ABIDJAN - Menacé d'être renversé militairement par ses voisins, le régime de Laurent Gbagbo a mis en garde contre les graves conséquences économiques et humaines d'une telle opération qui exciterait le patriotisme et pourrait mener la Côte d'Ivoire à "la guerre civile". Le porte-parole du gouvernement de Laurent Gbagbo, Ahoua Don Mello, a eu des mots très durs pour dénoncer la décision "inacceptable" des dirigeants de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) de le renverser par la force s'il refuse de partir de lui-même. Cette décision est un "complot du bloc occidental dirigé par la France", ex-puissance coloniale qui, avec la quasi-totalité du reste du monde, a reconnu la victoire d'Alassane Ouattara à la présidentielle de novembre. Elle va "exciter le patriotisme" des Ivoiriens si elle devait se concrétiser, selon lui Don Mello, par ailleurs ministre de l'Equipement du gouvernement Gbagbo, a pris bien soin de rappeler que son pays est "une terre d'immigration" où vivent et travaillent des millions de Ouest-Africains. Car en dépit d'une décennie de crises politiques, en partie liées à la notion controversée "d'ivoirité" qui met en avant les Ivoiriens "de souche", la Côte d'Ivoire, premier producteur mondial de cacao au fort potentiel de réserves pétrolières, reste une puissance économique dans la région. La menace du camp Gbagbo est à peine voilée: intervenez militairement et vous verrez les Ivoiriens se mobiliser pour s'en prendre à tous les étrangers et à leurs biens des pays voisins installés sur leur sol. Les dirigeants ouest-africains "savent que s'ils attaquent la Côte d'Ivoire de l'extérieur, ça va se transformer en guerre civile à l'intérieur", a prévenu Don Mello, affirmant ne pas "du tout" croire à l'hypothèse de l'intervention militaire. Une mission de la Cédéao dirigée par trois chefs d'Etat - Boni Yayi (Bénin), Ernest Koroma (Sierra Leone) et Pedro Pires (Cap Vert) - est attendue mardi à Abidjan. Trois hommes au profil accpetable par Laurent Gbagbo, contrairement à d'autres comme Abdoulaye Wade (Sénégal) ou Goodluck Jonathan (Nigeria), très en pointe pour le fustiger et soutenir son adversaire. Ils présenteront et expliciteront à Gbagbo "le message" de la Cédéao, en privilégiant "une sortie de crise par le dialogue", selon Jean Marie Ehouzou, ministre béninois des Affaires étrangères. Ils vont "lui faire comprendre et essayer d'obtenir de lui de partir du pouvoir sans attendre", a-t-il ajouté. Le refus plus que probable de Laurent Gbagbo de s'en aller tranquillement pour laisser la place à Alassane Ouattara, ne pourra que radicaliser les positions de chacun, avec le risque d'une explosion de violences pires encore que celles dénoncées par l'ONU qui a parlé de 173 morts du 16 au 21 décembre. Selon l'ONU, ces violences ont essentiellement pour origine un usage "excessif" de la force par les éléments armés restés loyaux à Gbagbo contre ses opposants ou supposés tels. Les chiffres de l'ONU ont été contestés samedi par le ministre de l'Intérieur de Gbagbo, Emile Guiriéoulou, selon lequel les violences ont fait 25 morts, dont 14 parmi les forces de l'ordre. Presque seul contre tous, Laurent Gbagbo, soumis avec ses proches à des sanctions internationales, peut encore compter à l'extérieur sur le soutien de son fidèle allié angolais. Ce dernier a démenti dimanche la présence de ses soldats en Côte d'Ivoire et dénoncé l'attitude de la communauté internationale qui va conduire "inévitablement" à la guerre. A l'intérieur, l'un des plus fidèles reste son ministre de la Jeunesse, Charles Blé Goudé, leader des "jeunes patriotes" qui mobilise ses militants en vue d'un immense rassemblement mercredi à Abidjan pour la défense de "la dignité et de la souveraineté" de son pays.