GÖDÖLLÖ (Hongrie) - Les ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne (UE) se sont montrés samedi très prudents face à une quelconque action militaire en Libye, considérée comme un dernier recours, alors que la situation est mouvante sur le terrain. Après le compromis a minima trouvé vendredi lors d'un sommet européen à Bruxelles pour garder ouvertes "toutes les options", la France s'est attachée à clarifier toute ambiguïté sur les conditions d'une action militaire en Libye. A Bruxelles, le président français Nicolas Sarkozy avait jugé un mandat des Nations Unies "préférable" et même laissé entendre qu'il ne serait pas indispensable en cas de "demande régionale et libyenne". Son ministre des Affaires étrangères Alain Juppé a toutefois assuré à ses homologues réunis à Gödöllö, à une trentaine de km de Budapest, qu'il n'en était rien. Parmi les "conditions" à l'option militaire en Libye figure "un mandat des Nations Unies: là-dessus les choses ont été très claires, les déclarations du président de la République sont explicites sur ce point", a dit M. Juppé. Si les 27 paraissent s'entendre sur les conditions à la mise en place d'une zone d'exclusion aérienne au dessus de la Libye, qui équivaut à une action militaire, ils restent très divisés sur sa pertinence, certains craignant un engrenage aux conséquences incalculables. Aucune mention d'une zone d'exclusion aérienne n'a été faite dans la déclaration finale du sommet vendredi, alors que Paris et Londres le souhaitaient. L'Allemand Guido Wersterwelle, le plus réservé de tous à Gödöllö, a brandi le risque qu'une intervention soit perçue comme une "croisade chrétienne contre des populations de croyance musulmane", qui pourrait mettre en péril les démocraties naissantes dans la région, en Egypte ou en Tunisie. L'intervention militaire est envisagée comme un dernier recours, après épuisement de toutes les autres options, a précisé un diplomate européen. "C'est quelque chose qu'on a retrouvé chez tous", y compris chez les Français et les Britanniques, a-t-il ajouté. Malte, l'Italie, Chypre et la Grèce, commencent pour leur part à défendre la position d'un appel au cessez-le-feu et au dialogue national, car la situation sur le terrain a complètement changé, Kadhafi reprenant l'offensive, observe ce diplomate. Pour le moment, le dialogue a priorité, ont indiqué les participants à cette réunion organisée en Hongrie, qui assure la présidence tournante de l'UE. Pour Alain Juppé, il faut concrétiser "l'idée d'une rencontre entre la Ligue arabe, l'Union africaine et l'UE", invitant la chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton à s'y "investir très rapidement". La Britannique, également présente à Gödöllö, a indiqué qu'elle se rendrait au Caire dimanche pour y rencontrer des responsables de la Ligue Arabe et égyptiens, qui se réunissaient samedi pour évoquer l'établissement d'une zone d'exclusion aérienne en Libye. Dans une interview à l'hebdomadaire allemand Der Spiegel, son secrétaire général Amr Moussa a plaidé en faveur d'une telle mesure. Les 27 veulent aussi acquérir une meilleure connaissance du terrain, alors que la situation reste floue en Libye. "Nous ne savons pas ce qui se passe réellement dans différentes parties de la Libye aujourd'hui. Nous avons besoin d'envoyer une mission" pour être mieux informés des forces en présence, a expliqué l'Autrichien Michael Spindelegger. Elle devrait partir dans les jours à venir. Si le Conseil national de transition libyen (CNT) à Benghazi, à l'est, est un interlocuteur, il n'est pas forcément le seul. Les 27 visent aussi des contacts au sein de l'administration de Mouammar Khadafi à Tripoli, a souligné un diplomate.