Un documentaire de télévision vient d'être diffusé en France retraçant l'expérience prodigieuse du New York Times, faite d'adaptations et de remises en causes et destinée à lui assurer une survie dans ce contexte de lourde crise de la presse papier. Le documentariste Andrew Rossi a voulu montrer le New York Times, l'un des plus grands journaux au monde, à l'heure de la crise de la presse qui l'a frappé comme tous les autres journaux dans les pays occidentaux, et de la montée en puissance de la révolution numérique. Rossi a pu filmer pendant plus d'un an la vie de la rubrique Médias du New York Times, en toute liberté sauf lorsqu'il y a eu des licenciements : on lui a alors demandé de ne plus filmer des journalistes en larmes quittant l'immense salle de rédaction, leur carton d'effets personnels à la main. On ne voit dans le film que ceux qui partent volontairement, pas ceux qui ont été virés. Le résultat est une plongée passionnante et globalement revigorante dans l'immense fabrique de l'info d'un grand quotidien américain, qui a traversé son lot de crises et de remises en cause. Le New York Times est sorti de ces tempêtes par le haut, en relevant le double défi de la qualité journalistique et de l'équilibre économique. Andrew Rossi montre un journal dont la principale richesse sont ses quelque 1 000 journalistes (il a moins réduit ses effectifs que certains de ses concurrents, comme le Los Angeles Times, qui a diminué sa « newsroom de moitié), son organisation phénoménale, et, ce qui apparaît moins dans le film, son site web qui figure parmi les plus importants au monde avec environ 40 millions de visiteurs uniques par mois. Dans le documentaire, le patron du quotidien, David Carr, apparaît comme le plus farouche avocat du journalisme à la New York Times, c'est-à-dire d'un journalisme traditionnel au bon sens du terme, par opposition aux agrégateurs ou aux blogs façon Huffington Post. Ce qui n'empêche pas Carr d'être lui-même blogueur et d'avoir une forte présence sur Twitter. Mais c'est toute la force du New York Times, contrôlé depuis des décennies par la famille Sulzberger, qui a réussi à sauver le meilleur du journalisme de qualité, tout en prenant à bras le corps le défi du numérique. Une leçon revigorante qui va à l'encontre du pessimisme ambiant dans la presse. Pour le chercheur universitaire canadien Daniel Giroux, secrétaire général du Centre d'étude sur les médias de l'Université Laval, le principal défi des journaux « papier » réside dans leur capacité à intéresser la nouvelle génération. Malmenés un peu partout dans le monde, les journaux et quotidiens sont loin d'avoir assuré leur avenir, estime-t-il. Au-delà des baisses de tirage ou de lectorat, le chercheur estime que le principal défi des journaux « papier » réside dans leur capacité à intéresser la nouvelle génération. La plupart des médias tentent de prendre un virage numérique en publiant des versions numériques, accessibles sur des tablettes électroniques ou des ordinateurs portables. « Peu importe la plate-forme, la question est au niveau du contenu. Est-ce qu'il y aura suffisamment d'intérêt des gens pour ce type de contenu, pour que, peu importe le support, il y aura un nombre suffisant de lecteurs pour que ça intéresse les annonceurs ? » Pour survivre, les quotidiens devront convaincre toute une génération de la pertinence d'un contenu approfondi. « Il y a un public pour les articles plus longs et la nouvelle mise en contexte, mais il est moins nombreux, avance le chercheur universitaire. Il y a un désintérêt pour la chose publique. Les jeunes se trouvent d'autres intérêts : leurs jeunes à eux, leur avenir. »