Parmi les plasticiens internationaux qui ont peint la Révolution algérienne, on retrouve l'inénarrable Pablo Picasso qui a confectionné, à la veille du cessez-le-feu de Mars 1962, une lithographie dédiée à la combattante Djamila Boupacha. Il voulait, par ce geste hautement significatif, alerter l'opinion publique pour sauver de la guillotine Djamila. Son dessin au fusain paraît à la une des Lettres françaises du 8 février 1962 et en couverture du plaidoyer de Simone De Beauvoir et Gisèle Halimi publié chez Gallimard. Militant anti-franquiste et artiste peintre majeur duXXe siècle, l'espagnol Pablo Ruiz Picasso (1884-1973) a, en effet, commencé à s'intéresser à l'Algérie au tout début de la révolution de 1954 par toute une série variations sur les Femmes d'Alger de Delacroix qui exprimait une peinture d'essence coloniale travestissant, de facto, la réelle image de la femme algérienne. Ce qui a poussé Picasso à rectifier le cours de l'histoire en dénonçant au travers ses quinze toiles et deux lithographies – qu'il qualifiera lui-même de paraphrases – la souffrance, toute la souffrance des femmes algériennes soumises aux pires gémonies coloniales. Il a voulu, en outre, témoigner à sa manière, son soutien indéfectible à l'émancipation du peuple Algérien colonisé en donnant à ces femmes une image de combattantes. Non pas qu'il se soit déplacé à Alger mais simplement en revisitant l'œuvre de Delacroix tout en tendant une oreille attentive aux informations diffusées sur son transistor. Faut le faire et pouvoir s'imaginer le reste ! Sa série s'achève sur une œuvre monumentale qu'était le supplice de Djamila Boupacha en 1962. A 22 ans, arrêtée le 10 février 1960, accusée d'avoir déposé une bombe qui n'a jamais, du reste, explosé, Djamila Boupacha subira des sévices odieux 33 jours durant par des parachutistes déchaînés. Battue à coups de talons qui lui ont cassé plusieurs cotes, piétinée, et brûlée au sein, elle subira le supplice de l'électricité et de la baignoire. Suprême sacrilège, Djamila Boupacha sera violée sauvagement avec un goulot d'une bouteille de bière. L'affaire Boupacha éclatera au grand jour et prendra une dimension internationale lorsqu'elle identifiera, au cours de son procès qui eut lieu les 26, 27, 28 juin 1961 au tribunal de Caen, ses tortionnaires parmi les nombreuses photos de militaires qu'on lui avait montré. Cela a été rendu possible grâce à une conjoncture exceptionnellement favorable : Tout d'abord, la dénonciation de Djamila, au cours de sa toute première audition au tribunal militaire d'Alger, du sacrilège qui a été porté au dossier. Le cessez-le-feu, ensuite, qui allait être conclu présageait d'une issue heureuse. Et le comité de défense pour Djamila, enfin, créé par Simone De Beauvoir, femme de lettres française et Gisele Halimi, avocate et militante féministe d'origine tunisienne. Un comité comprenant des sommités de la littérature et de la philosophie universelle telles que Louis Aragon, Jean Paul Sartre, Geneviève de Gaulle, Gabriel Marcel... et Germaine Tillion... Ce que recherchaient ces femmes l'ont obtenu en ce sens qu'un mouvement international a pris le relais sous forme de manifestations devant les ambassades de France à Tokyo, à Washington, et un peu partout à travers le monde pour soutenir la cause de Djamila Boupacha. Elle sera, finalement amnistiée lors de la signature des accords d'Evian en Suisse.