Que devient Aziz Derouaz ? En retraite depuis que j'ai quitté le gouvernement en décembre 99. Est-ce à dire que vous êtes réellement déconnecté tant politiquement que sportivement parlant ? A titre officiel, je le suis effectivement, même si je continue à être encore branché sur le plan sportif, notamment depuis peu avec une activité subsidiaire sur le terrain en collaborant avec l'entraîneur des handballeurs juniors du HBC El Biar, Sofiane Khalfallah, ancien international. Je l'assiste aux entraînements. Une manière d'être actif et utile et d'être au fait de l'actualité sportive en général, du handball en particulier. Peut-on alors prévoir le retour officiel de Aziz Derouaz sur les terrains de handball notamment ? C'est une éventualité à ne pas écarter. Pouvez-vous nous rappeler votre itinéraire sportif ? Ma carrière de joueur de handball, je l'ai débutée en 1962 à l'âge de douze au sein de l'équipe benjamine des GLEA, devenu GCSA et CJS. Blessé au genou droit durant la saison 70/71 lors du match CJS-USMB, joué au stade Ouaguenouni, je suis contraint notamment après avoir rechuté lors de la période de rééducation, de mettre terme à ma carrière de joueur et d'entamer ma reconversion en tant qu'entraîneur. En 1972 et à 22 ans, je deviens le seul entraîneur et en même temps le seul dirigeant au sein du CJS, club du ministère de la Jeunesse et des Sports, que je dirige jusqu'à l'avénement de la réforme sportive en 1977. J'ai entre-temps intégré en 1975, l'équipe de la FAHB à titre de membre fédéral, d'arbitre et ensuite de secrétaire général. J'ai également été membre de la FASC, la fédération des sports «co» regroupés. Dès la première année de la réforme sportive, je deviens l'entraîneur du NADIT, qui a fusionné avec la composante de l'EDR, dont j'avais la charge. Avec le NADIT, je passe une saison et demie avec à la clé un titre de champion national. En 79, je rejoins le MPA en tant que DTS en cumulant la fonction d'entraîneur de l'équipe fanion. En 90, je me décharge du rôle d'entraîneur relayé d'abord par Akkeb puis Belhocine, pour m'investir uniquement et totalement dans le poste de DTS. De 93 à 95, je dirige l'équipe nationale saoudienne avant d'être rappelé par le président de la République Liamine Zeroual, pour présider le Conseil supérieur de la jeunesse (CSJ), avec le rang de ministre et de statut de conseiller du président de la République. Entre-temps, je suis nommé en novembre 79 par le ministre de la Jeunesse et des Sports Djamel Houhou, directeur technique des équipes nationales de handball, fonction que j'ai cumulée avec celle d'entraîneur national jusqu'en 83, pour ne garder que cette dernière jusqu'au moins d'août 89. Par ailleurs, j'ai été désigné par la Fédération internationale de 88 à 2006 comme lecteur instructeur. Une idée sur votre palmarès ? Avec le NADIT j'ai décroché le titre de champion de la saison 77/78, le premier de la réforme sportive. Avec le MCA, je comptabilise plusieurs titres de champion national et de détenteur de coupes d'Algérie, ainsi qu'une coupe d'Afrique des clubs champions et une autre des clubs vainqueurs de coupe. A la tête de l'équipe nationale, j'ai eu le privilège de remporter cinq titres africains consécutifs (81, 83, 85, 87 et 89) les médailles d'argent des JM de 83 à Casa, et d'or des JM 87 à Lattaquie en Syrie. Avec le club saoudien le Nadi El Khalidj, j'ai réussi à décrocher le titre en 88 après seulement 6 mois de travail. J'ai également pu mener la sélection nationale saoudienne au championnat du monde. Que retenez-vous comme meilleur souvenir de votre carrière sportive ? La victoire remportée avec l'équipe nationale contre la France en match de poule aux JM 83 à Casa restera pour moi le plus beau moment de ma carrière sportive. Notre succès a provoqué un réel choc pour le handball français. L'autre victoire sur le même adversaire en finale des JM de 87 à Lattaquié en Syrie, battu après deux prolongations reste elle aussi un moment mémorable. Votre plus grande déception par contre ? Je l'ai malheureusement vécue lors du championnat du monde 82 en Allemagne. Dans une salle dont le sol était impraticable, puisque connue pour le patinage sur glace, nos joueurs ont eu du mal à maîtriser leurs appuis et ont perdu par 12 buts d'écart devant la Suède pourant à leur portée, car ils l'avaient nettement battue quelques jours auparvant. Suite à notre rapport sur la non conformité du sol en question, tous les autres matchs ont été programmées ailleurs. Quel est l'entraîneur qui vous a le plus marqué ? Inconstestablement, le Roumain Costache qui a entraîné l'équipe nationale et avec qui j'ai eu la chance de travailler. Sa grande compétence mais aussi sa personnalité et son impressionnant charisme m'ont fortement servi pour la suite de ma carrière d'entraîneur. Il faut dire que Costache était également une réelle référence à l'échelle internationale. Le dirigeant ? Je citerais deux noms, Messaoud Necira du CRB et Carafan de Saïda. L'arbitre ? La paire Tacine-Benabed qui a longtemps été incontournable dans le paysage handballistique algérien restera à mes yeux un réel modèle du genre. Avec quel coéquipier aviez-vous eu le plus d'affinités sur le terrain et en dehors ? Aved Fodil Hassen Khodja, j'étais particulièrement complice et je le suis encore de nos jours. Votre joueur modèle ? En Algérie, c'est Lounès Amara parce qu'à mes yeux, il réunissait toutes les qualités du jeu offensif et défensif. Aussi, il avait une personnalité marquante sur le terrain. A l'étranger, j'aimais voir jouer le Français Jackson Richardson, un joueur d'exception. Vous ête l'inventeur du système de jeu basé sur la défense avancée où la défense plate, une tactique devenue une marque de fabrique reconnue à l'échelle mondiale. Sachez d'abord que je préfère l'appeler défense-offensive. Cette technique qui est mienne et que j'ai commencé à mijoter dès les JO de Moscou en 80 en la qualifiant de défense algérienne avant de développer davantage son caractère offensif, je l'ai mise en pratique lors des JO de Séoul en 88. Beaucoup utilisent votre tactique. Quel effet cela vous fait ? J'en tire une grande fierté personnelle. Aussi, c'est quasiment toutes les équipes qui se sont mises à la défense-offensive. J'ai eu également le privilège de créer la défense en infériorité numérique avec aussi un aspect offensif à cette situation. Aujourd'hui, ce sont encore toutes les équipes qui l'appliquent. Que vous a apporté le handball ? L'accomplissement professionnel pour moi qui ai la conviction et la philosophie que pour réussir sa vie, il faut mener une vie professionnelle qui passionne qui procure aussi beaucoup d'émotions. Le handball m'a également donné la possibilité de me mettre au service de mon pays en tant que bénévole, comme je l'ai fait pendant dix ans en tant qu'entraîneur national. Je n'ai pu être militant de la cause nationale lors de la révolution car étant très jeune à l'époque mais je pense avoir compensé ce manque par mon militantisme pour l'émergence de la jeunesse et du sport algériens. Et si c'était à refaire ? Je referai le même parcours sans toutefois négliger cette fois l'aspect matériel même si avant cela ce n'était pas mon souci premier et que j'avais une autre philosophie de la vie. Quelles étaient vos principales qualités tant sur le terrain qu'en dehors ? En tant que joueur et entraîneur, j'avais comme devise rigueur et ambition. Dans ma vie de tous les jours, je suis quelqu'un d'authentique et d'entier. Vos défauts majeurs ? Je reconnais avoir toujours eu ce caractère bouillonnant, cette passion sans bornes pour mon métier. Représenter mon pays, c'est quelque chose de sacré pour moi. Aussi, je n'acceptais pas les défaites. En dehors du terrain, ma principale tare, c'est de ne pouvoir penser à moi, à ma famille. Le regrettez-vous ? Sincèrement, oui. Quelle est la qualité première que vous appréciez le plus chez l'homme ? La droiture. Le défaut ? L'hypocrisie. Qu'est-ce qui a pu changer chez Aziz Derouaz, l'entraîneur, le ministre et le citoyen tout court ? Absolument rien n'a changé chez moi, croyez- moi. Je reste toujours fidèle à mes principes et à ma philosophie. Etes-vous encore branché politique ? Bien sûr, car on ne peut pas avoir occupé le poste de ministre et ne pas suivre l'évolution au monde politique tant à l'échelle nationale qu'internationale. Je reste toujours au fait de l'actualité et garde mes mêmes convictions. Un homme politique préféré ? J'ai toujours eu du respect et de l'admiration pour Mohamed Salah Mentouri qui a été entre autres vice-ministre des Sports et président du CNES. C'est quelqu'un d'impressionnant par sa droiture, son grand militantisme et sa capacité d'être à l'écoute. Ce n'est pas quelqu'un qui dit je sais malgré son immense carrure. Un passe-temps favori ? Internet, le zapping et toutes les émissions sportives. Que pensez-vous du projet de professionnalisme initié par le MJS ? C'est une bonne question qui mérite d'être bien traitée. Professionnaliser le football algérien est bien évidemment une excellente chose. En 97, lorsque j'étais à la tête du MJS, j'ai moi-même initié ce même projet de professionnalisme. Il se trouve hélas, que certains dirigeants du football national de l'époque ont tout fait pour ignorer le projet en question qui me tenait réellement à cœur. Pensez-vous que les moyens seront réellement à la hauteur de la politique ? Les moyens passent, à mes yeux en second plan. Pour réussir le projet en question, il faut d'abord et surtout réglementer la circulation de l'argent par des statuts et aller vers un professionnalisme d'Etat dans premier temps, en mettant en place les jalons nécessaires pour arriver en suite à un désengagement progressif de l'Etat. Quels enseignements tirez-vous suite à la 3e place des handballeurs algériens à la dernière CAN en Egypte ? Le handball algérien peut nettement faire mieux, mais ce n'est sûrement pas avec les capacités de la FAHB de manière générale qu'il atteindra un bien meilleur palier. Les chances de l'EN de football en Afrique du Sud ? J'ai toujours milité pour la prise en charge simultanée du haut niveau et de la base. Je resterai toujours un adversaire de ceux qui disent qu'il faut repartir de zéro. Je me suis réjouis déjà de la politique suivie qui consiste à dire qu'on a un réel potentiel humain et qu'il faut le chercher là où il se trouve. Pour l'EN de football, cela a apporté ses fruits, mais c'est une politique qui a été menacée à maintes reprises. L'actuelle équipe qui se rendra en Afrique du Sud a les caractéristiques et l'ambition que l'Algérie sportive avait perdues. Pour conclure ? Je me réjouis encore une fois, qu'enfin l'importance du sport de notre pays soit apparue et comprise au premier plan et à tous les niveaux. Aussi, je souhaite plein succès à notre équipe nationale de football.