Pourtant, il y a à peine un an, un grand projet de réhabilitation avait été lancé, avec notamment la nomination fin 2010 de son nouveau directeur, le Professeur Hocine Benkadri. On se rappelle qu'avant son décès en avril 2011, ce dernier était sur tous les fronts, et avait comme priorité de s'attaquer à l'insalubrité des lieux et à améliorer la qualité des services. Quelques mois après sa disparition, il semble que l'actuelle direction tarde à relancer les réformes, le CHU est à nouveau à l'abandon. Les plaintes et les mécontentements des malades et leurs proches sont quotidiens. Nous nous sommes donc rendus à l'intérieur de l'établissement aux heures de visite, à partir de 13 h, pour constater de visu l'ampleur des dégâts. Au service de cardiologie d'abord, nous avons constaté un manque flagrant de lits que ce soit au bloc réservé aux femmes ou à celui des hommes. Nous avons ainsi pu retenir quelques témoignages de malades. Didine, 48 ans, hospitalisé depuis une semaine, nous raconte : « C'est tout sauf un hôpital. Le personnel, surtout les infirmiers, désagréable avec les malades. Imaginez, tous les matins les gardes viennent nous réveiller à 7 h 30 en tambourinant à la porte et en gueulant, dans un service qui censé accueillir des cardiaques ! ». Didine et son compagnon de chambre, un quinquagénaire originaire de la wilaya de Jijel, se plaignent des conditions d'hygiène : « J'ai eu un malaise cardiaque et lorsqu'on m'a transporté ici par ambulance, ils ont d'abord signifié à ma famille qu'il n'y a pas de lit disponible. Mon frère a alors appelé un médecin de la famille pour qu'il nous trouve une place. J'ai eu de la chance, mais ça m'a révolté qu'on soit obligé à chaque fois d'avoir des relations pour bénéficier d'une prise en charge dans un lieu public. Et heureusement que le staff médical est qualifié, sinon je ne resterai pas une seule minute ici. On nous sert des repas froids, hier nous avons eu de la purée presque gelée. Les toilettes sont dans un état lamentable ». Son voisin de Jijel nous interrompt pour nous déclarer : « Nous avons la chance d'être admis dans une chambre double. Regardez les autres chambres, ils sont sept à huit malades à s'entasser dans une salle censée accueillir quatre lits. J'ai discuté avec quelques malades, la nuit ils ont très froid et dire qu'ils ont des problèmes au cœur ». Autre service, autres problèmes. Cette fois-ci nous avons visité le bâtiment de gynécologie, réputé pour son insalubrité et sa surcharge. Nous avons rendez-vous avec un jeune médecin pour nous parler des problèmes. « Par où commencer ? Nous sommes complètement débordés par le nombre de patientes. Tous les jours, nous accueillons en moyenne une trentaine de femmes, nous manquons de personnel et de matériel, mais aussi et surtout de lits. Les femmes enceintes viennent de toutes les wilayas de l'Est, certaines viennent parce que ce service est réputé, d'autres malheureusement nous arrivent des hôpitaux et cliniques des villes de l'Est dans un état inquiétant, voire grave. Même si nous manquons de places, nous ne pouvons pas refuser les malades. Mais je crois qu'il est tant que la Direction de la santé pense à ouvrir d'autres annexes, comme la maternité de Sidi Mabrouk, sinon elle doit agrandir le service et recruter plus de personnel. Moralement, nous sommes fatigués de voir des femmes souffrir et des bébés exposés à toutes sortes de maladies. » Notre médecin nous montre l'état dans lequel se trouve le service : six femmes par chambre, certaines ont étalé des draps sur le sol, d'autres partagent le même lit, un personnel médical dépassé... « C'est un miracle si nous n'avons pas beaucoup de décès et de cas compliqués », nous précise le gynécologue.