De notre correspondant à Constantine Nasser Hannachi L'école tunisienne de jazz était à l'honneur dans la soirée de dimanche dernier au Théâtre régional de Constantine. Fawzi Chekili a présenté les créations de sa formation au public constantinois. Ce jazzman confirmé à l'échelle internationale, multi-instrumentiste de surcroît (guitare, piano et oud) a gratifié le public de ses compositions où les airs tunisiens ressortent, notamment en interprétant des extraits de sa derrière production Touyour El fadjr. «J'ai choisi de talentueux musiciens. Les meilleurs du moment en Tunisie», dira Chekili avant de donner le tempo avec un morceau joué en duo avec le guitariste Hamza Zeramdini. La deuxième pièce fera entrer la percussion de Naffa Allam tandis que Zeramdini troque sa guitare pour la basse. Le jazz prendra alors toutes ses formes. Chekili excellera dans sa dimension «guitaristique». Tanit et moi emmènera le public dans un long périple aux odeurs du jasmin. En seconde partie du concert, le trio n'a pas manqué d'introduire avec Ines Belayouni, en robe noire, une doucereuse voix à la formation. «Vous voulez encore Ines ?» demandera Chekili à l'assistance qui répondra par l'affirmative. Le virtuose transformera la scène en agréable jazz club. Quelques intros en piano ouvrent ainsi la mesure à la voix sublime d'Ines qui interprétera à la perfection Summertime, standard de George Gershwin. Sidérés par cette forte voix jazzy, les mélomanes ont vécu une belle évasion qui sera reconduite avec un autre titre, Squeeze me. Le jazz atteint alors son paroxysme en couleurs et odeurs. Ines poussera sa voix plus loin, du côté de l'Amérique latine, en reprenant un morceau de Luis Miguel Contigo en la distancia (avec toi dans la distance), pièce déjà reprise par la géante Christina Aguilera. Chekili étalera tout son doigté magique au clavier pour faire ressortir des notes simplement «musicales et thérapeutiques» pour l'ouïe. Retour aux sources ! La soirée des Tunisiens finira avec un titre du terroir Khali goulou wach y hemek. Après le concert, Chekili dira à la Tribune qu'«il faut multiplier les projets pour élargir le jazz au Maghreb». Citant l'exemple de son propre pays, l'artiste ajoutera : «On dispose d'une école de formation de jazz qui prend une dimension importante dans notre pays à la faveur notamment des deux festivals organisés annuellement à Carthage et à Teberka.» A propos du DimaJazz, Chekili nous fera part d'un projet «algéro-tunisien» qui serait en gestation. «On pense créer un projet, voire une école qui associera l'expérience tunisienne à celle des organisateurs de DimaJazz, dont le commissaire du festival Zouhir Bouzid», révélera-t-il. L'adepte de Duke Ellington, de Bil Vans et de bien d'autres nouvelles figures du jazz, dont Jonathan Q, estimera qu'«il faut s'ouvrir aux musiques». «La fusion est d'autant plus intéressante qu'elle servira de jonction et de rapprochement entre les deux rives», affirme l'artiste. Revenant sur la seconde partie de son concert animé par des incontournables hits, Chekili conclura : «Il faut toujours revenir aux grands standards du jazz…» Fayçal Salhi Quintette: une autre teinte du jazz oriental En ouverture à cette troisième soirée, le jazz oriental était à l'affiche avec la production de Fayçal Salhi Quintette. Créatif, cet artiste algérien, qui a quitté le pays à l'âge de 11 ans pour s'installer en France, revient avec un nouvel album dont des extraits ont été proposés au public. «C'est la rencontre entre plusieurs identités qui font la musique que l'on interprète», avouera-t-il à la fin de son spectacle. L'artiste, natif de Khenchela, restera fidèle au terroir bien qu'il associe des artistes venus de divers horizons. «L'initiateur du projet est le contrebassiste Vladimir Torres. C'est lui qui a adhéré et joué un rôle influent dans la concrétisation du fruit qu'on présente ce jour.» Le quintette interprétera lors de sa prestation Sommet du Hoggar et Hayat. Véritable virtuose de l'oud, Salhi donnera libre cours à ses artistes pour surfer, notamment Ricardo Lazaron au sax soprane soutenu par la percussion endiablée d'Etienne Paul. D'ailleurs, ce dernier s'assied confortablement devant un «uddu drums» (percussion inspirée des tablas de l'Inde) pour en sortir des sons presque en mots rythmés. Le violoncelle de Thomas Pierre rend le feeling du jazz oriental encore plus contrasté. En témoigne leur nouvel album intitulé Elwène (couleurs).