Jeudi dernier, le mythique Théâtre régional de Constantine n'a pas pu contenir toutes les personnes venues assister à la soirée d'ouverture du Festival international Dimajazz, animée par les groupes Mardi Brass Band et Tony Allen. Mais un écran géant installé à l'extérieur du théâtre a retransmis en direct les deux concerts. Capitale par excellence du malouf, la ville de Constantine s'est initiée à la musique jazz depuis sept ans déjà, grâce à l'association Limma qui organise le festival international Dimajazz. Après des années de lutte acharnée, l'association a obtenu gain de cause puisque Dimajazz a été institutionnalisé l'an dernier, par le ministère de la Culture. Mais la grande réussite a été de convaincre le public constantinois, qui n'a pas mis longtemps pour adhérer à cette musique. Année après année, le festival international Dimajazz revient, avec des artistes aussi éclectiques que talentueux, pour illuminer les nuits constantinoises et permettre aux jeunes, qui affluent de toutes les villes de l'Est algérien, de s'amuser, de s'éclater, de décompresser, de découvrir, et d'écouter de la bonne musique et ce, du14 au 21 mai. Et c'est dans une ambiance de fête que s'est ouvert jeudi dernier, au mythique théâtre de Constantine, le festival Dimajazz. Le groupe français Mardi Brass Band s'est chargé d'animer en début de soirée, à l'extérieur du théâtre, un spectacle de rue. Les 8 musiciens, munis de leurs instruments en cuivre, n'ont pas manqué de groove et de rythme ; en revisitant des standards ou à travers leurs propres compositions, Mardi Brass Band a apporté un peu de soleil et de chaleur, grâce aux sonorités colorées, ce qui contrastait harmonieusement bien avec le temps brumeux. Place ensuite à la cérémonie officielle à l'intérieur du théâtre. Le représentant de la ministre de la Culture, M. Lardjane, le wali de Constantine, Abdelmalek Boudiaf, ainsi que le commissaire de Dimajazz, Zoheir Bouzid, se sont succédé sur scène pour discourir : le premier a félicité l'association Limma et le festival pour son sérieux, le second a promis de construire un opéra à Constantine et le troisième a rendu un hommage au public pour sa présence depuis les débuts de Dimajazz, tout en remerciant ses partenaires, à savoir le ministère de la Culture, l'ambassade des Etats-Unis, la ville de Grenoble et d'autres sponsors. Place ensuite à la musique ! Alors qu'on attendait Tony Allen, c'est le collectif Mardi Brass Band qui rejoint la scène. La fanfare a encore une fois enflammé l'assistance, par son concept musical assez original : des sonorités jazz, blues, funky et très groovy, et leur look atypique. Et à la fin, un petit cadeau : Dourbiha ya chibani (du terroir algérien) version Mardi Brass Band, et même un bain de foule. Que du bonheur ! Après quelques minutes de pause, apparaît un pianiste complètement habité par sa musique, un trompettiste au look atypique, un saxophoniste très décontracté, un guitariste timbré, un autre plus modéré, un bassiste très appliqué, une choriste bien jolie et un batteur : Tony Allen… déjà une légende, à Constantine. Le moins que l'on puisse dire, c'est que ça groove. Le plus étonnant, c'est que l'anarchie des musiciens sur scène, à travers notamment leurs danses improvisées, ne s'applique pas sur la musique de Tony Allen. Celle-ci est carrée, cadrée, mais laisse un large champ d'expression aux solistes. En fait, il y a un rythme qui est joué, et sur celui-ci le trompettiste, le saxophoniste, ou encore le bassiste et le guitariste, improvisent ou du moins interprètent une autre partition. Le tout est ponctué par des paroles, en anglais et en dialecte nigérian. Le meilleur pour la fin : le solo de Tony Allen à la batterie qui a littéralement scotché. La maîtrise, Tony Allen connaît bien, et la musique aussi, puisqu'il a entamé sa carrière dans les années 60. Ce troubadour des temps modernes qui s'illustre dans “l'afrobeat” (rythmes afro) a offert avec ses sept compères, un spectacle riche en sonorités, à telle enseigne qu'on n'arrivait plus à situer sa musique. Tony Allen, c'est un peu de tout ; un mélange de rythmes et de couleurs, qui s'étale sur un continuum. D'autre part, cette première soirée a eu un effet cathartique sur le public constantinois… de plusieurs régions d'Algérie. Relativement jeune, l'assistance qui maîtrisait son sujet a dansé jusque tard dans la nuit. Par ailleurs, rappelons que des master-class sont organisés tous les jours de 10h à 12h. De plus, hier soir, un concert devrait être animé par le groupe constantinois Sinouj, ainsi que le collectif français Post Image, qui fait de l'ethno-électro-jazz et qui existe depuis quinze années déjà. Les nuits risquent d'être courtes dans la ville des Ponts suspendus, qui manque d'animations et d'activités culturelles. Heureusement que le Dimajazz est là pour y remédier ! S. K. * Concert ce soir à 20h, du groupe franco-algérien Mustapha MB, et du groupe franco-camerounais Jean-Jacques Elangué & Los Africanos. Prix du billet : 400 DA