Le président de la République, M. Abdelaziz Bouteflika, a prononcé, hier, à Téhéran, un discours aux travaux du 14e sommet des chefs d'Etat et de gouvernement du Groupe des 15 (G15), dont voici le texte intégral : "Monsieur le Président, "Excellences, Mesdames et Messieurs, Je tiens, en tout premier lieu, à adresser au nom du gouvernement et du peuple algériens nos salutations fraternelles à Son Excellence Mahmoud Ahmadinedjad, président de la République islamique d'Iran et au vaillant peuple iranien. Je voudrais aussi saluer les éminents chefs d'Etat et de gouvernement des pays qui ont bien voulu rehausser nos assises de leur présence. Je me dois enfin de rendre hommage en cette heureuse occasion au président Ahmadinedjad pour les efforts inlassables qu'il a consentis au profit de notre cause commune depuis l'accession de son pays à la présidence du G.15, une présidence dont il a bien voulu accepter d'assumer la lourde charge. La présidence iranienne du G.15 a mis en œvre avec succès dans une conjoncture internationale des plus difficiles, les plans d'action recommandés par le XIIIe Sommet de La Havane. Notre Groupe et les peuples que nous représentons lui en sont profondément reconnaissants. J'aimerais également exprimer notre haute appréciation à Son Excellence Mahinda Rajapaksa, président de la République démocratique et socialiste du Sri Lanka, pour avoir accepté de reprendre le flambeau de l'Iran et de présider par la suite aux destinées de notre Groupe. Je lui réitère l'engagement de mon pays à l'assister et à le soutenir dans la réalisation des nobles objectifs que notre Groupe s'est assignés. Monsieur le Président, Excellences, Mesdames et Messieurs, Malgré une timide reprise dont la durabilité demeure hypothétique, le monde et surtout nos pays continuent de subir les contrecoups d'une crise financière mondiale sans précédent depuis 1929 et dont les causes se situent dans les pays les plus riches. Cette crise a révélé les dérives d'un système voué à l'instabilité et aux crises cycliques et qui est exclusivement orienté vers l'accumulation et l'accaparement des profits par quelques-uns au mépris des intérêts du plus grand nombre. Il est important que nos pays, forts des enseignements de cette crise venue d'ailleurs, se ressaisissent en mettant en commun leurs moyens au service de leurs intérêts collectifs légitimes. Le monde de ce début du XXIe siècle ne saurait, en effet, continuer à être régi par les institutions et les pouvoirs de décision reflétant les rapports de forces issus de la fin de la Seconde Guerre mondiale. Des rapports qui au demeurant ne reflètent plus la réalité actuelle. Aujourd'hui, les pays émergents du Sud contribuent pour une part significative dans le commerce mondial. Ils ont sensiblement augmenté leur part dans les investissements directs étrangers. Même leur contribution à l'aide publique au développement, expression de la solidarité traditionnelle qui caractérise nos relations avec les pays moins bien lotis, a enregistré un net accroissement. C'est la première fois depuis l'ère des affirmations de nos souverainetés qu'il nous incombe de promouvoir leur participation pleine et entière à la refonte du système monétaire et financier international. Quelques orientations très positives ont été tracées à cet égard par les réunions du G.20 de Londres et de Pittsburgh. Nous tenons à les saluer. Mais nous attendons toujours que ces percées conceptuelles trouvent une expression concrète sur le terrain. En effet, les promesses de la communauté internationale, en termes d'APD, sont loin d'être tenues. Tout en revendiquant une amélioration de la qualité et de l'efficacité de cette aide, il nous faut faire campagne pour son augmentation substantielle, afin de nous rapprocher des objectifs de développement internationaux. Pour les pays les plus démunis, en particulier ceux classés dans la catégorie des pays les moins avancés, l'APD est en effet la source principale de financement du développement. Il reste à clarifier, au-delà de certaines expériences internationales réussies comme l'Unitaid dont nous sommes redevables en particulier à la hauteur de vue du président Lula da Silva, si le concept de +sources innovantes de financement+, lancé par la Conférence de Monterrey, est de nature à mobiliser des fonds pouvant constituer des ressources additionnelles et substantielles pour le développement. On est aussi loin du compte pour les négociations commerciales multilatérales lancées dans le cadre du cycle de Doha au nom d'un engagement proclamé en faveur du développement mais nié dans les faits. En effet, les aléas de ces négociations interminables pénalisent d'abord les plus vulnérables qui voient chaque jour s'éloigner un peu plus les perspectives d'accès de leurs produits aux marchés des pays développés. Nous déplorons, par ailleurs, la volonté d'imposer aux pays en développement candidats à l'accession à l'OMC des conditions exorbitantes non exigées des pays membres même développés. Nous rejetons l'argument que tel serait le prix à payer par les pays en développement candidats pour leur retard, un retard qui leur a été imposé et qu'ils n'ont pas voulu. Fort heureusement, des avancées tangibles ont été enregistrées dans le cadre des négociations du Système global de préférences commerciales entre pays en développement initiées à Sao Paulo. La flexibilité et le traitement spécial et différencié accordés aux pays membres en cours d'accession à l'OMC lors de la Conférence ministérielle du SGPC de décembre 2009 démontrent, une fois de plus, les effets correctifs de la cohésion des pays du Sud dans un contexte d'entrave à nos exportations sur les marchés mondiaux. on assiste à une telle reconfiguration des relations économiques internationales et du multilatéralisme. Il est certes encourageant de constater les progrès de la concertation multilatérale. Je songe notamment au Sommet du millénaire de 2000, à la Conférence sur le financement du développement de Monterrey de 2002, au Sommet mondial de 2005 et à la Conférence des Nations unies sur la crise financière et économique mondiale et son incidence sur le développement de 2009. Ces efforts restent malgré tout insuffisants au regard des attentes des pays en développement et des défis multiformes auxquels ils sont confrontés. Ils sont encore moins adéquats face aux défis plus graves qui les attendent. En effet, une généralisation des mesures d'austérité budgétaires et de restriction de la consommation et de protectionnisme est en cours dans les pays riches. Cette contraction est dictée par la nécessité de résorber l'endettement public excessif auquel ont recouru ces pays pour sauver de la banqueroute leurs institutions financières victimes de leur propre spéculation débridée. Le système monétaire et financier international, dont les pays industrialisés ont dicté les règles, a failli s'effondrer totalement et menace ruine encore aujourd'hui. Nous ne sommes pas les seuls à dénoncer la gestion des Gardiens du Temple de l'orthodoxie financière qui ont failli dans leur tâche. Nous pouvons aussi revendiquer légitimement notre droit d'impulser la refonte du système monétaire et financier international. Le fait que 5 Etats membres du Groupe des 15 soient aussi membres du G.20 nous offre l'opportunité de faire valoir au sein de ce dernier les objectifs et les priorités que nous aurons déterminés ensemble. Par-delà la poursuite des objectifs de nos économies émergentes, nous devons faire écho aux aspirations des autres pays en développement, surtout des pays les moins avancés. L'accès aux marchés mondiaux de nos produits est encore plus gravement compromis par un nouveau protectionnisme vert qui transfère par ce biais également des pays du Nord aux pays du Sud la charge de l'ajustement qu'appellent les changements climatiques. Pourtant les pays industrialisés, historiquement responsables des émissions de gaz à effet de serre, se soustraient à leurs obligations en matière de lutte contre ce phénomène. Le principe de la responsabilité commune et différenciée, consacré par la Convention et le Protocole de Kyoto, doit donc plus que jamais être réaffirmé par nous au lendemain des résultats mitigés de la Conférence de Copenhague. Monsieur le Président, Excellences, Mesdames et Messieurs, La prise en compte des préoccupations des pays en développement n'a pour finalité que celle d'assurer la mise en place d'un partenariat international rénové fondé sur le partage équitable des responsabilités et des bénéfices. Elle vise à jeter les bases d'une croissance soutenue de l'économie mondiale qui garantit une intégration effective des pays en développement dans les courants de production, de technologie et d'échanges. C'est pourquoi, le Mouvement des non-alignés et le Groupe des 77 et la Chine, dont fait partie notre regroupement, demeurent pour nous les fora privilégiés pour la revendication d'une mondialisation offrant des opportunités à tous. La promotion de règles de jeu équitables dans les domaines du commerce, du financement, de l'investissement et du transfert de technologie en est la condition incontournable. Il est clair que l'intégration progressive des pays en développement dans une économie mondiale, dont nous devons être les co-artisans, demeure la seule voie qui leur permettra de tirer profit des opportunités ouvertes par la mondialisation. La réalisation de cet objectif tarde à voir le jour. Il est même à craindre qu'un certain nombre de pays, les plus faibles et les plus démunis, ne reçoivent de la mondialisation que des retombées négatives. Les quelques acquis enregistrés jusqu'à présent correspondent à des revendications qui ont été celles de notre Groupe. Notre action commune doit se renforcer. Elle doit contribuer à un éveil de nos partenaires du Nord aux vertus de la prospérité partagée et du développement durable. Monsieur le Président, Excellences, Mesdames et Messieurs, L'Afrique représente probablement le continent où tous ces défis se trouvent concentrés, mais qui, en même temps, détient des potentialités de développement considérables qui n'attendent qu'à être libérées. L'ouverture du G.8 aux préoccupations de l'Afrique, notamment dans le cadre du Nepad, a marqué indéniablement un tournant significatif dans le développement de cette région. L'implication plus audacieuse de notre Groupe dans cette entreprise, en raison de sa composante et du poids de ses membres, notamment au sein du G.20, pourrait se révéler d'un apport précieux au développement des pays africains. Dans ce cadre, il nous incombe également de donner un contenu concret à la coopération en matière de sécurité énergétique, de développement agricole et de ressources en eau selon le principe que l'Algérie préconise depuis plusieurs années d'allocation et de gestion intégrées des ressources en eau. Nous devons également élargir les champs de nos actions conjointes pour impliquer davantage le secteur privé, promouvoir la coopération entre nos PME et encourager le financement de nos échanges commerciaux. Monsieur le Président, Excellences, Mesdames et Messieurs, Face aux défis planétaires qui nous interpellent, il n'est d'autre recours que le regroupement autour d'objectifs communs. Le G.15 demeure un instrument qui peut nous aider à une prise en compte, au-delà de ce que chaque pays peut faire individuellement, d'un certain nombre d'objectifs de développement, donc de paix qui sont les nôtres. Il nous importe, aujourd'hui plus qu'hier, de maintenir vivace l'esprit qui nous a conduits, il y a vingt ans, à créer le Groupe des 15. Il nous incombe plus que jamais, dans la fidélité au message originel, de maintenir le cap que nous nous sommes fixé, en restant unis et solidaires face aux défis. La clé du succès de notre action est à ce prix. L'Algérie, dont la conviction à ce sujet reste intacte, souhaite vous exprimer sa totale disponibilité à apporter sa contribution en faveur d'une consolidation du Groupe et du renforcement de son action. J'ai foi dans la capacité de notre regroupement à œuvrer en faveur de relations économiques plus justes et plus équitables et pour un renforcement de la coopération Sud-Sud".