Comme à l'accoutumée, les dirigeants d'Apple jouent le suspense, la rumeur, le buzz avant de faire descendre leur produit dans l'arène. Il en fut ainsi pour le nouvel IPad qui a été présenté cette semaine par Tim Cook, le nouveau patron de la firme. Parmi les principales nouveautés du modèle, son écran qui garde sa forme classique, mais bénéficie de la technologie Retina déjà exploitée sur l'iPhone 4S, qui donne une image de très haute résolution (2048x1536), ce qui permet d'afficher davantage de détails et un contraste impressionnant. Non seulement les vidéos et les pages Web y gagnent en qualité, mais la lecture de textes devient nettement plus agréable. L'iPad 3 adopte aussi la dictée vocale, comme l'iPhone 4S. Il suffit d'appuyer sur l'icône représentant un micro, l'iPad inscrira immédiatement les phrases prononcées dans l'application Mail ou le bloc-notes. Cette nouveauté nécessitant davantage de puissance, Apple a opté pour un nouveau processeur nettement plus performant et optimisé pour l'affichage vidéo, l'A5X. Sans pour autant sacrifier l'autonomie de la batterie, qui reste active pendant 10 heures. Cerise sur le gâteau, Apple renforce sa présence dans le monde de la télé : la nouvelle version d'Apple TV permet d'afficher sur grand écran les photos prises depuis un iPhone. De son grand frère l'iPad 2, la nouvelle tablette de la marque à la pomme emprunte presque tout d'un point de vue esthétique. Même taille, même poids, même look. Il sera d'ailleurs quasiment impossible aux non-initiés de faire la différence du premier coup d'œil entre les deux générations.Ces améliorations techniques serviront d'abord ceux qui veulent accéder à leurs données de façon plus rapide. Un e-mail, même associé à quelques fichiers, s'affiche presque automatiquement une fois la connexion établie en très haut débit grâce au réseau 4G. Les pages Web semblent, elles aussi, jaillir de l'appareil. Les amoureux d'images sont, eux, littéralement comblés. Avec un logiciel iPhoto largement amélioré, s'amuser à la retouche est à la fois un jeu d'enfant et d'une efficacité redoutable. La technique se décline pour tous les outils ou presque qu'utilisent, avec un clavier et une souris, ceux dont la retouche photo est le métier. Pour autant les spécialistes y voient juste une simple évolution du produit de la firme à la pomme, loin de la révolution rêvée par les amoureux de la marque. Ceux qui attendaient un iPad 3 ou HD seront déçus. Un joujou qui n'a d'ailleurs pas l'honneur de porter un nouveau nom et que l'on appellera, tout simplement, le « nouvel iPad ». Ce nouveau modèle pourrait permettre à Apple d'enfoncer le clou sur ses concurrents. Deux ans après la sortie de l'iPad 1 -sorti en avril 2010-, la firme à la pomme a vendu 55 millions d'iPad, et a généré 34,5 milliards de dollars de revenus. Soit le rythme de vente le plus élevé pour un produit d'électronique grand public. En face, les concurrents ont bien du mal à suivre, même si les chiffres divergent. D'après une étude publiée en janvier dernier par Strategy Analitycs, Apple détiendrait encore 58% du marché des tablettes -en volume- au quatrième trimestre 2011. En global, 66,9 millions de tablettes se seraient écoulées en 2011 dans le monde, une hausse de 260% comparé à 2010. Avec 40% de parts de marché, les constructeurs intégrant Android, le système d'exploitation de Google, ne parviennent pas encore à reprendre le leadership à Apple. Qu'il s'agisse de la Xoom de Motorola, de la Playbook de RIM, de la Touchpad d'Hewlett-Packard ou la Streak de Dell, on ne compte plus les échecs. Même le géant coréen Samsung peine à émerger de ce marché, reconnaissant, par la voix de son directeur de la stratégie, que le géant « ne s'en sort pas très bien ». Un bilan qui oblige aujourd'hui les acteurs à revoir leur stratégie. « Pour réussir sur ce marché, il faut une stratégie de différenciation radicale. On ne peut pas espérer copier l'iPad », note Pierre Ferragu, analyste chez Bernstein, cabinet international d'analyses financières. Partageant tous la même taille d'écran -10 pouces, voire 7 pouces pour certains-, et le même système d'exploitation Android -en attendant Windows 8 qui sortira en fin d'année-, les tablettes peinent à se différencier, d'autant qu'elles n'ont pas le même poids de marque qu'Apple. Sans compter un élément critique : le prix. Lancé à partir de 499 dollars et de 499 euros en Europe, l'iPad est l'une des tablettes les moins chères du marché. Devenu le premier acheteur mondial de semiconducteurs -il achète même 20% du marché mondial de la mémoire Nand !- Apple peut négocier de meilleurs prix sur ses composants, ce qui lui permet d'optimiser son prix de revient. Même politique via la distribution, qui ne capte que 8% du prix de vente, alors que ses concurrents tournent autour de 12%. Au final, Apple conserve tout de même une marge brute de 25% sur l'iPad, et 30% sur l'iPad 3G. Pour la concurrence, les voies de différenciation sont faibles. Certains misent sur le développement de nouveaux « forms-factors », comme par exemple des produits hybrides entre le PC et la tablette -Asus, Lenovo...-, ou entre le smartphone et la tablette -Samsung avec le Galaxy Note-. D'autres parient sur le low-cost, avec des prix inférieurs à 300 euros, quitte à enlever certaines fonctionnalités (écran moins qualitatif, processeur moins puissant...). Certains enfin imaginent de nouveaux modèles économiques, comme Amazon. Sa tablette Kindle Fire, dotée d'un écran de sept pouces et commercialisée à 199 dollars, est vendue à perte, mais le groupe se récupère sur les ventes de contenus via des abonnements à sa plateforme de téléchargement. Un modèle gagnant : d'après les différents analystes, Amazon aurait vendu entre 4 et 6 millions de tablettes aux Etats-Unis. Reste un acteur encore absent de la bataille, qui pourrait avoir une carte à jouer. « Les opérateurs pourraient proposer demain des tablettes low-cost sous leur marque, entièrement subventionnées et rattachées à un abonnement, ce qui pourrait les aider à capter davantage de valeur sur ce marché », note Pierre Ferragu. Une démarche pour l'heure encore hypothétique, et une situation qui arrange les affaires d'Apple toujours sur son nuage. Au début de l'année, la firme a ébloui Wall Street avec des résultats trimestriels record, redevenant brièvement la première capitalisation boursière mondiale devant ExxonMobil avant de finir la séance du jour juste en dessous du géant pétrolier. Apple s'est aussi hissé à la première place des fabricants informatiques devant son grand concurrent Hewlett-Packard, si l'on comptabilise à la fois les tablettes électroniques et les ordinateurs personnels. La maison de courtage RBC Capital Markets, résumant le sentiment général, parlait d'« iDomination ». L'action de la société californienne avait alors clôturé en hausse de 6,24% à 446,66 dollars, ce qui portait sa capitalisation boursière à 416,4 milliards de dollars, tandis qu'ExxonMobil a terminé en hausse de 0,05% à 87,22 dollars pour une capitalisation de 418,06 milliards de dollars. Sur les trois derniers mois de l'année écoulée, le bénéfice net du groupe a plus que doublé, à 13,1 milliards de dollars, tiré en particulier par les ventes de téléphones iPhone 4S. Ce qui a soulevé la question des flux de liquidités dont dispose Apple. Le groupe se trouve en effet face à un « problème de riches » : que faire de son argent. « Nous discutons activement de la manière dont nous pouvons utiliser nos liquidités mais n'avons rien à annoncer pour le moment », a indiqué le directeur financier d'Apple, Peter Oppenheimer lors d'une conférence d'analystes. Un souci auquel beaucoup souhaiteraient être confrontés.