La commission électorale égyptienne bouscule l'échiquier politique et redistribue les cartes à cinq semaines du premier tour du scrutin présidentiel (les 23 et 24 mai). Elle disqualifie 10 des 23 candidats à cette présidentielle. Omar Souleïmane, l'ancien chef des services secrets, crédité d'au moins 20% des voix au premier tour, a été disqualifié parce qu'il n'a pas réussi à obtenir les signatures d'électeurs dans 15 gouvernorats comme requis par la loi. Khairat Al-Chater, le numéro deux des Frères musulmans (3,2% des voix) a été écarté en raison d'une loi stipulant que toute personne ayant été condamnée à de la prison doit attendre six ans à partir de la fin de sa peine ou de la date de sa grâce avant de pouvoir retrouver ses droits civiques (il a été incarcéré jusqu'en mars 2011). Ayman Nour, l'opposant historique à Moubarak, a été éliminé pour les mêmes raisons que Chater. Hazem Salah Abou Ismaïl, le salafiste (11,7% des intentions de vote) est victime de la nationalité américaine de sa mère. La loi électorale stipule que tout candidat à la magistrature suprême doit être uniquement égyptien, de même que ses parents et son épouse. Les « dix » ont jusqu'à ce soir pour faire appel et attendre ensuite le 26 avril, date de la publication de la liste définitive. Prévenant, le maréchal Hussein Tantaoui, président le Conseil suprême des forces armées, s'est réuni hier avec 17 chefs de parti, dont le Parti de la Liberté et de la Justice et al-Nour, pour « examiner, selon l'agence officielle Mena, les développements sur la scène intérieure ». Et pour cause ! Salah Abou Ismaïl promet une « crise majeure » après l'annonce de l'invalidation de sa candidature. « L'homme qui dirige la commission électorale n'a jamais été indépendant. Cette élimination a été décidée par lui et il travaille sous la direction du conseil militaire », déclare Nizar Ghorab, son avocat. Les responsables de la campagne d'Al-Chater estiment que son exclusion, due à une condamnation « injuste » infligée sous Moubarak, est « politique et illégale ». S'achemine-t-on vers une épreuve de force avec le pouvoir militaire similaire à celle de vendredi dernier, voire une « seconde révolution » ? Des milliers d'Egyptiens, en grande majorité des islamistes, ont manifesté au Caire pour exiger la mise à l'écart des responsables de l'ère Moubarak candidats à l'élection présidentielle. Selon certains observateurs, tout retour des tensions traduira l'absence d'un consensus entre les différentes forces politiques autour d'une transition pacifique et aura des implications sur la stabilité politique et économique du pays. « L'Egypte oscille entre la légitimité révolutionnaire et constitutionnelle et traverse une transition manquant de crédibilité », résume Mohamed Al-Baradaï l'ex-président de l'Agence internationale de l'énergie atomique. Selon toute vraisemblance, la présidentielle se jouera entre quatre poids lourds encore en lice : Mohammed Morsi, le président du Parti de la Liberté et de la Justice, Abdelmoneim Aboul Foutouh, l'ex-membre des Frères musulmans, Amr Moussa, l'ex-patron de la Ligue arabe, et le général Ahmed Chafik, le dernier chef de gouvernement de M. Moubarak.