Les regards du monde entier seront braqués demain sur le Bahreïn. Manama, capitale de la seule monarchie du Golfe où les chiites sont majoritaires (70% de la population), abritera son Grand prix de Formule 1 sur le circuit Sakhir où les essais ont commencé, hier, dans un climat politique explosif. L'opposition menée par le Wefaq, le principal mouvement chiite, et le collectif des « Jeunes du 14 février » qui a appelé à « trois jours de colère » sous le slogan « Non à la Formule de sang », ne comptent pas laisser le régime s'offrir cette vitrine sur le monde. Ils entendent profiter de ce Grand Prix pour faire entendre leurs voix, place de la Perle. Ils espèrent, surtout, « arracher », après quatorze mois de manifestations sanglantes, des réformes constitutionnelles à la monarchie. Les appels du prince Salmane ben Hamad Al-Khalifa à ne pas utiliser cet événement sportif à des fins politiques, ne semblent pas avoir eu un écho. Bien au contraire. « Le peuple veut la chute du régime » et « À bas Hamad » sont, depuis dimanche, début du mouvement de mobilisation intitulé « semaine de rage », les slogans les plus scandés par des jeunes en lançant en direction de la police des cocktails Molotov. « Personne ne doit avoir d'illusion sur la fin de la crise concernant les droits humains », estime Amnesty International qui parle de 60 morts et de réformes qui « n'ont touché que la surface ». À Londres, deux manifestants qualifiés de « terroristes » par Manama, ont grimpé lundi sur le toit de l'ambassade de Bahreïn et déroulé une bannière en soutien à Abdel Hadi al-Khawaj, un militant devenu le symbole de la contestation depuis qu'il a entamé, le 8 février dernier, une grève de la faim pour réclamer sa libération. Avec d'autres opposants, il est condamné à la prison à vie, pour avoir « comploté en vue de renverser la monarchie sunnite au pouvoir à Bahreïn », affirme Manama. Pour avoir « réclamé des réformes et dénoncé le pouvoir absolu de la dynastie des Khalifa », affirment les analystes, précisant que la police bombarde, toutes les nuits, de gaz toxiques les villages chiites entourant Manama. Les « écuries » vont-elles laisser leurs pilotes « courir sur le sang des martyrs ? » C'est la question que se posent plusieurs observateurs convaincus que si Manama devenait une pétaudière, elle pourrait provoquer une onde de choc au Golfe.