Le roi de Bahreïn a exprimé sa reconnaissance au monde de la Formule 1 pour l'organisation dimanche du Grand Prix malgré la multiplication des manifestations parfois violentes de l'opposition chiite qui réclame des réformes de fond. Dans la matinée, selon des habitants, les forces de sécurité étaient massivement déployées, notamment sur les axes routiers menant au circuit de Sakhir où doit se dérouler la course à partir de 16H00 GMT. Mais de jeunes protestataires ont réussi à bloquer brièvement des routes en mettant le feu à des pneus ou des bennes à ordures alors qu'un hélicoptère survolait le secteur à basse altitude, a-t-on ajouté de même source. Le roi de Bahreïn, Hamad Ben Issa Al-Khalifa, qui doit assister à la course, a promis dans un communiqué de mener des réformes politiques, réclamées par l'opposition chiite. Après l'annonce samedi par l'opposition d'un mort, le premier dans des manifestations liées au Grand Prix de F1, de nouveaux affrontements, parfois violents, ont éclaté dans la nuit de samedi à dimanche dans des villages chiites. Des dizaines de manifestants, certains cagoulés, ont scandé des slogans hostiles au régime avant de se heurter aux forces de sécurité, déployées massivement autour de leurs villages, selon des témoins. Dans certains villages comme Malkiya, Karzakan, Sadad et Damistan, des manifestants ont brandi des banderoles proclamant "Non à la Formule du sang", le slogan d'une campagne de "trois jours de colère" lancée par le mouvement des "Jeunes du 14 février", un collectif radical, à l'occasion du Grand Prix. Aux bombes lacrymogènes et grenades assourdissantes tirées par la police, les manifestants ont répliqué en lançant des pierres et des cocktails Molotov, ont expliqué les témoins, sans pouvoir fournir de bilan. En revanche, la police a réussi à bloquer les accès au centre de Manama pour empêcher une manifestation prévue samedi soir pour dénoncer le GP et réclamer la libération d'Abdel Hadi al-Khawaja, un militant condamné à la prison à vie et en grève de la faim depuis plus de deux mois. Alors que des ONG et des capitales européennes se sont inquiétées de son état de santé, le ministère de l'Intérieur a assuré dimanche, sur son compte Twitter, qu'il était "en bonne santé". Selon les responsables du circuit international de Bahreïn, M. Khawaja devait recevoir dans la journée la visite de l'ambassadeur du Danemark. Par ailleurs, un militant, Mohammed Hassan, a été arrêté et "torturé" pour avoir accompagné des journalistes lors de manifestations dans un village chiite, a dénoncé dimanche l'ONG locale Bahrain Center for Human Rights. Les autorités soutiennent que les incidents sont isolés et tentent de minimiser leur impact sur le GP, après l'annulation de la course l'an dernier en raison des troubles. Le roi Hamad s'est dit ainsi "reconnaissant" aux organisateurs d'avoir "assuré que ce grand événement se tienne dans l'esprit communautaire de fête que la Formule 1 représente". Mais, a-t-il ajouté, "je tiens à souligner clairement mon engagement personnel aux réformes et à la réconciliation dans notre grand pays". "La porte reste ouverte pour un dialogue sincère" entre les Bahreïnis, a-t-il dit. Des organisations de défense des droits de l'Homme ont critiqué la tenue de cette course en pleine crise politique, le pays étant secoué par un mouvement de contestation contre la dynastie sunnite régnante. Cependant, le président de la Fédération internationale de l'automobile (FIA), Jean Todt, a estimé que le GP était le bienvenu pour "la majorité de la population". Selon une commission indépendante, la répression de la révolte en février/mars 2011 avait fait 35 morts, dont quatre sous la torture. Amnesty International estime pour sa part que 60 personnes ont été tuées depuis le début du mouvement. Reporters sans frontières (RSF) a dénoncé samedi "les atteintes à la liberté de la presse" à Bahreïn, classé en décembre "parmi les dix endroits les plus dangereux pour les journalistes".