L'opposition chiite bahreïnie a annoncé samedi qu'un homme avait trouvé la mort dans la nuit sur le lieu d'une manifestation «sauvagement » réprimée, non loin du circuit de Sakhir, à la veille du Grand Prix de Formule 1 de Bahreïn. Il s'agit du premier mort dans les manifestations liées au GP, mais la répression de la révolte populaire entamée en février 2011 a déjà coûté la vie à des dizaines de personnes. Une manifestation était prévue en fin d'après-midi à Darraz, un village chiite à 10 km au nord du circuit de Sakhir, où ont eu lieu samedi les qualifications pour le Grand Prix, et des appels ont été lancés sur internet pour une marche en direction du circuit, ont indiqué des activistes. Selon des témoins, des dizaines de personnes ont manifesté dans la nuit à l'entrée de plusieurs villages chiites situés à quelques kilomètres du circuit, à l'appel du mouvement des «Jeunes du 14 février », une coalition radicale. Samedi matin, le Wefaq, principal groupe de l'opposition chiite, a annoncé la découverte du cadavre «du martyr Salah Abbas », 36 ans, près du village de Chakoura, où les forces de sécurité ont «sauvagement » réprimé une manifestation hostile à la dynastie sunnite qui dirige le pays. Selon un membre de sa famille, il a été arrêté par les forces de sécurité alors qu'il participait à la manifestation de Chakoura. Après cette arrestation, «nous n'avons pas eu de nouvelles de lui jusqu'à l'annonce de la découverte de son corps samedi matin », a ajouté ce proche, qui a requis l'anonymat. Ces derniers jours, l'opposition avait fait état de blessés et de dizaines d'arrestations lors de la répression de précédents rassemblements. Dans la nuit, les manifestants, certains cagoulés, ont mis le feu à des pneus sur des routes et lancé des pierres et des cocktails molotov en direction des forces de sécurité, qui les ont dispersés avec des gaz lacrymogènes et des grenades assourdissantes, selon les témoins. De jeunes filles en abaya noire, l'habit traditionnel, étaient parmi les manifestants, dont certains portaient un linceul barré de l'expression «Je suis le prochain martyr », et la foule a scandé des slogans hostiles au gouvernement, répétant «A bas Hamad », en référence au roi Hamad ben Issa Al-Khalifa. Les «Jeunes du 14 février » avaient promis «trois jours de colère » coïncidant avec le Grand Prix prévu dimanche, sous le slogan «Non à la Formule de sang ». Malgré ces manifestations, le prince héritier, Salmane Ben Hamad Al-Khalifa, a écarté vendredi toute annulation de la course, comme cela avait été le cas l'an dernier lorsque le pays avait été secoué entre la mi-février et la mi-mars par une révolte populaire réprimée avec l'aide des monarchies du Golfe. «Une annulation ferait le jeu des extrémistes », a-t-il déclaré. Les manifestations à répétition ont cependant conduit à un renforcement de la sécurité autour du circuit de Sakhir. Des véhicules blindés étaient stationnés samedi sur l'axe routier reliant Manama au circuit, où des fouilles systématiques, avec des portiques de sécurité, étaient menées aux entrées du public, selon des journalistes. Les organisations de défense des droits de l'Homme avaient critiqué la tenue de la course en pleine crise politique dans ce petit royaume du Golfe, parent pauvre des riches monarchies pétrolières voisines. Selon une commission indépendante, la répression de la révolte en février/mars 2011 avait fait 35 morts, dont quatre sous la torture. Amnesty International estime pour sa part que 60 personnes ont été tuées depuis le début du mouvement. Et de nombreux opposants restent sous les verrous, en particulier le militant chiite Abdel Hadi al-Khawaja, condamné à la perpétuité et en grève de la faim depuis le 8 février.