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Où sont passés les reporters ? :La dictature de l'urgence
Publié dans Horizons le 26 - 05 - 2010

Aux journalistes, on recommande d'être brefs, d'aller à l'essentiel pour ne pas lasser un lecteur de plus en plus pressé au point de ne jeter qu'un coup d‘œil sur les titres. Il suffit d'ouvrir le premier journal qui vous tombe entre les mains. Une caractéristique commune saute aux yeux. Les articles sont partout courts et les reportages sont rares. Ce qu'on appelle non sans quelque dédain dans le jargon les «pavés» sont désormais l'apanage des intellectuels qui sollicitent les colonnes de la presse. Aux journalistes, on recommande d'être brefs, d'aller à l'essentiel pour ne pas lasser un lecteur de plus en plus pressé au point de ne jeter qu'un coup d‘œil sur les titres. Il est loin le temps où pendant une semaine El Moudjahid, ou Echhaab publiaient des reportages en quatre ou cinq parties.
Tout indique que le genre fait partie des vieilleries qu'on regrette. Pourtant à l'origine, le reporter était le vrai journaliste, celui qui va sur le terrain, ne se contentant pas seulement de rapporter l'événement brut mais prend du recul , multiplie les angles d'attaque pour expliquer davantage. L'urgence de l'actualité pesait moins. Noyé dans un flot d'informations disparates, une nouvelle se fait vite oublier. On passe à autre chose. Réduit à l'instantané, elle offre une vue partielle et incomplète de la réalité. Un reportage dans un paysage où les mêmes informations sont publiéEs par tout le monde, distingue un journal qui apporte ainsi un plus. Sans compter que le talent se révèle plus et mieux que dans la rédaction de banales et simples couvertures.
La crise actuelle de la presse nécessite pourtant de réhabiliter le genre. La télévision et la radio sont plus rapides dans la transmission des faits. Dans cette course à la diffusion des nouvelles, même si la presse en ligne permet aux journaux de se replacer et de ne pas trop se faire devancer, l'audio –visuel a un net avantage. On attendrait du journal, de ses reporters qu'il aillent au delà du visible, de l'apparent pour prendre le temps (ce qui est le plus compté pour la radio et à la télévision) de révéler des facettes insoupçonnées, de faire vivre avec les mots une atmosphère, de multiplier les contacts pour ne pas subir la dictature de l'actualité. Plus que jamais face à une surinformation qui paradoxalement réduit le citoyen à un consommateur passif voire parfois à un voyeur, il faut se tourner vers le reportage, considéré depuis les origines comme le genre noble du journalisme. L'ère d'Albert Londres, d'Hemingway ou de Kessel qui rapportaient par l'écrit alors prépondérant les fracas et les douleurs du monde a vécu. L'époque ne fait pas de place aux aventuriers. Mais si les reporters deviennent une espèce en voie de disparition, le travail de terrain reste irremplaçable. On peut en revoir les formes de présentation mais sans cette plongée dans le réel les journaux perdront beaucoup de leur impact.
Accents de vérité
Dans l'histoire de la presse algérienne, on n'a jamais manqué de reporters. Kamel Belkacem, Benamadi ont commencé d'abord comme des journalistes de terrain. Personne n'attendait que quelques mois pour signer des éditoriaux. Halim Mokdad au Moudjahid, Zemmouri, Ourad à Algérie Actualité parmi tant d ‘autres noms ne comptaient pas seulement sur les envois de l'APS ou les coups de téléphone mais sillonnaient le pays profond.
Il y avait des accents de vérité et de la crédibilité dans les écrits et le métier ne s'exerçait pas comme une corvée.
Qui a oublié les grandes séries de Tahar Benaicha sur la pénétration de l'islam ou en Asie centrale diffusés à la télévision durant les années 80
ou les reportages de Bendissari ? Certes le terrorisme a durant des années rend les déplacements périlleux et fait proliférer les reportages de complaisance. Dans les couvertures de guerre comme celle d'Irak ont surgi aussi les journalistes embedded à qui ont fait voir ce qu'on veut faire voir,
Mais dans ce métier, chez nous ou ailleurs une poignée hommes et de femmes continueront à emprunter des chemins de travers pour que le métier de journalisme ne soit plus assimilé à celui de greffier ou de secrétaires de séance.


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