Le 8 mai 1945, Sassi Benhamla, qui a vécu le drame à Guelma, avait 19 ans. Il militait au sein du Parti du peuple algérien (PPA) depuis 1943. Comment la manifestation a été organisée à Guelma ? C'était une opération secrète. J'étais chef de groupe et je n'étais au courant de rien. J'ai reçu l'ordre de la part du chef de ma section de rassembler les cinq membres de mon groupe au quartier de Bab Essouk à 8 heures et c'est seulement à 15 heures que nous avons reçu l'ordre de manifester. Nous étions environ 10 000 personnes parmi les 30 000 habitants de Guelma à participer à la marche de 2 kilomètres. Quelle était la nature de cette manifestation ? Elle était purement politique. Il ne s'agissait en aucun cas d'un début de guerre. La preuve, les slogans sacandés étaient politiques. Nous réclamions l'indépendance de l'Algérie, que la parole revienne au peuple et la libération des détenus politiques à leur tête Messali El Hadj. Nous avion hissé le drapeau algérien et ceux des pays alliés durant la Seconde Guerre mondiale. Malgré cela, les soldats français ont tiré sur nous. Avez-vous le chiffre exact des victimes à Guelma ? Il y en avait beaucoup, mais je ne connais pas le chiffre exact même si j'étais chargé de les décompter. En ville, c'était possible de le faire pour les gens que je connaissais. Pour compter les victimes dans les villages, c'était très difficile. Les gens étaient horrifiés par les massacres. Ils se cachaient. De ce fait, l'information ne circulait presque pas. Malgré cela, j'ai envoyé à la direction du Parti une liste de 250 personnes tuées. Qu'a fait la direction ? Elle nous a envoyé 700 000 francs français de l'époque que nous avions remis aux familles des victimes. Quels sont les faits qui vous ont marqué lors de ces événements ? Les Algériens brûlés dans un four crématoire à 7 kilomètres de Guelma. Il s'agit d'un groupe de personnes assassinées dans une caserne sans jugement, dont mon camarade de classe Belazzoug Smaïl. Il y a eu aussi l'assassinat des membres de la famille Kateb sous le pont du village Belkheïr à deux kilomètres de Guelma. Les militaires français ont d'abord assassiné Kateb Mohamed, sa femme Kaci Nafissa et ensuite leur fils Brahim. Ce jeune enfant de 12 ans a été tué le jour de son anniversaire. Malheureusement, l'école où il était scolarisé ne porte pas son nom. Que demandez-vous pour la mémoire de ces victimes ? Depuis la création de notre association 8 Mai 1945, nous réclamons que ces victimes soient reconnues comme martyrs. L'Histoire de la lutte contre le colonialisme en Algérie n'a pas commencé le 1er Novembre 1954. Beaucoup de militants sont tombés au champ d'honneur avant cette date. Nous réclamons aussi à criminaliser le colonialisme et que l'Etat français demande officiellement pardon au peuple algérien.