Les massacres du 8 mai 1945 ont été "savamment planifiés" par les forces coloniales françaises pour réprimer le mouvement national algérien qui revendiquait le droit des Algériens à la liberté et à l'indépendance, ont affirmé, lundi à Alger, un avocat et un témoin oculaire. "Les forces coloniales françaises s'étaient réunies en janvier 1945 au palais du Gouvernement à Alger pour faire face au danger que pouvait représenter le mouvement national algérien et pour le réprimander", a-t-on précisé lors d'une conférence à Alger sur ces massacres. L'avocat Amar Bentoumi, qui avait été chargé de recueillir les témoignages des rescapés de ces massacres, a relevé qu'après les manifestations du 1er mai 1945, à Alger, Blida et Oran, organisées par le MTLD (Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques), les forces coloniales ont considéré ce mouvement comme un "grand danger". "L'emblème algérien a été élevé, pour la première fois, lors des manifestations pacifiques du 1er mai 1945, mais les forces françaises ont tiré sur les manifestants occasionnant des morts et blessés", a relaté Me Bentoumi. Il a relevé, dans le même contexte, le caractère "purement politique et pacifique" des manifestations du 8 mai 1945, mais considérées par la force répressive française comme un "grand danger" et avait ainsi, a-t-il dit, prémédité des massacres. Il a expliqué que la France avait déployé en Algérie une force militaire "considérable" avec 30 mille militaires dans l'Algérois, 15 mille à Oran, 13 mille à Constantine et 3 mille dans le Sud et ce dans le but "pur et simple de massacrer les Algériens". "En plus des militaires, la France avait également déployé un grand nombre de policiers, de gendarmes, de compagnies républicaines (CRC) pour réprimer le mouvement algérien qui aspirait à la liberté", a-t-il ajouté. Me Bentoumi a souligné, à cet effet, que les forces coloniales françaises se trouvaient depuis janvier 1945 en "état d'alerte maximale" se préparant ainsi à entamer une "guerre officielle" contre les Algériens au cas où ils revendiquaient leur droit à la liberté. "La France s'était renforcée en Algérie depuis janvier 1945 par 12 avions chasseurs bombardiers, 12 chasseurs moyens pour bombarder et exterminer la population algérienne", a-t-il ajouté. En analysant les innombrables témoignages qu'il a recueillis juste après les quelques jours qui ont suivi les massacres, Me Bentoumi s'est dit "outré" par tant d'"atrocités" commises par les forces françaises contre les Algériens "dépassant de beaucoup plus les atrocités commises par l'armée nazie lors de la Seconde Guerre mondiale". "Les milices de colons, les légionnaires étrangers et les prisonniers de guerre allemands et italiens, qui faisaient partie de l'armée française, ont commis des atrocités inqualifiables en Algérie et l'histoire en est témoin", a-t-il conclu avec émotion. Le témoin oculaire des massacres à Guelma, Sassi Benhamla, a précisé pour sa part le caractère "purement politique et pacifique" des manifestations du 8 mai 1945. "Les manifestations du 8 mai 1945, au cours desquelles ont été élevés les étendards algérien, britannique, chinois, américains, français et russe, avaient pour but d'inciter les forces alliées pour qu'elles plaident en faveur de l'indépendance de l'Algérie", a-t-il dit. Mais la France, a-t-il poursuivi, a considéré ces manifestations comme "une déclaration de guerre" en commettant des massacres parmi la population par des armes, des fours crématoires, qu'elle a utilisés, comme en témoigne M. Benhamla, pour "brûler les Algériens vifs". Il a rappelé que ces massacres ont été commis dans tout le nord-est algérien englobant Guelma, Sétif, Kherrata, Mila, Constantine et Béjaïa.