Ahmad Chafiq et Mohamed Morsi, les deux finalistes de la présidentielle égyptienne, cherchent à élargir leurs soutiens. Le premier pour rassurer une opinion très divisée affirme que l'ère Moubarak est terminée. « Il n'y a pas de place pour un retour à l'ancien régime. L'Egypte a changé. On ne peut pas revenir en arrière », dit-il dans sa première conférence, hier, tendant la main aux candidats éliminés au premier tour pour qu'ils travaillent avec lui « pour le bien du pays ». Aux jeunes, il tient un discours similaire. Il promet de leur restituer leur révolution confisquée. Il affirme aussi qu'il ne voit aucun inconvénient à diriger l'Egypte avec un gouvernement islamiste. La confrérie des Frères musulmans appelle les Egyptiens et les candidats « nationalistes » à « sauver la révolution » en faisant front derrière Mohamed Morsi, arrivé en tête du scrutin. « Nous avons besoin d'un pays démocratique. Chafiq est contre la démocratie », disent-ils. N'excluant pas de voir Chafik attirer les voix qui sont allées à Amr Moussa, l'ex-ministre des Affaires étrangères de Moubarak et convaincre une bonne partie des Egyptiens encore silencieux, les Frères musulmans évoquent « une union sacrée pour faire face à la contre-révolution ». Le premier pas de leur démarche : appeler les candidats malheureux du premier tour. Selon certains médias égyptiens, ils auraient proposé à deux candidats qui ont déclaré en campagne qu'ils feraient de leur mieux pour faire barrage à l'ancienne figure du régime du président déchu, de rejoindre la Présidence : Morsi serait Président, l'islamiste Abdel Moneim Aboul Foutouh et le cofondateur du parti Al-Karama d'inspiration nassérienne, Hamdeen Sabbahi, vice-président. Mais, les deux candidats font peur. La minorité chrétienne (10% de la population) redoute l'application de la Charia. D'autres Egyptiens ont peur du retour aux agissements de l'ancien régime. Certains ont brandi la menace de déclencher une seconde révolution si Chafiq, qui a dû partir sous la pression de la rue en mars 2011, passe. L'écrivain Khaled al-Khamissi résume la situation. Il estime que le duel prévu les 16 et 17 juin est un « cauchemar » pour ceux qui ont porté la révolte de 2011. « Nous faisons face au risque de maintenir le régime de Moubarak ou d'islamiser le pays. C'est l'une des situations politiques les plus difficiles que l'Egypte n'ait jamais connues (...) entre un cheikh et un général », estime l'analyste indépendant Hicham Kassem. Dans la rue, les jeunes se demandent s'il faut « livrer l'Egypte à un représentant de l'ancien régime » ou « satisfaire la soif de pouvoir des Frères musulmans ».