La législation algérienne bannit le travail des enfants. Elle les protège contre toute exploitation d'où qu'elle vienne. Mais la réalité peut s'avérer amère. De nombreux enfants sont obligés de travailler pour aider leurs familles. Parfois ce sont les parents eux-mêmes qui les utilisent, dans d'autres cas les enfants travaillent pour le compte de tierces personnes. Certains petits quittent l'école prématurément alors que la scolarité est obligatoire jusqu'à l'âge de 16 ans. D'autres s'adonnent au travail après les cours. Dans tous les cas le travail des enfants n'est pas toléré par la loi. A Koléa, sur le trottoir de l'autoroute menant vers Alger, on peut remarquer, surtout en été, des revendeurs de poissons rouges pour aquarium. Sur des échafauds réalisés avec des roseaux, plusieurs sachets en plastique sont accrochés avec des poissons de différentes couleurs. Un gros poisson zébré ou deux petits poissons sont cédés à 200 dinars. A côté, à même le sol, des accessoires pour aquarium sont également proposés. Amine B est assis sur un jerrican plus grand que lui. A peine 12 ans, mais sa frêle corpulence lui fait paraître moins. Cheveux coiffés avec du gel pour être dans le vent, portant un short bleu et un tee shirt rouge et des claquettes, Amine est à l'affût des automobilistes qui stationnent pour acheter, en dévalant la petite pente en deux temps, trois mouvements. Avec sa voix à peine audible à cause du nombre important de voitures qui traversent cette autoroute, il lui arrive de vendre beaucoup de poissons et faire une bonne recette. Contrairement aux autres gamins qui s'adonnent à ce genre de commerce, Amine fréquente le CEM « Hai Miloudi Moussa ». Son travail n'est effectué que le vendredi et samedi. C'est son frère aîné qui tient ce commerce à longueur d'année et se repose le week end. Depuis quatre ans, il seconde son frère. Amine a acquis une certaine expérience dans ce commerce pour avoir convaincu un client à acheter deux paires de poissons pour leurs deux enfants. La recette de la journée est remise intégralement au grand frère. Ce dernier le prend en charge en ce qui concerne les fournitures scolaires et l'habillement. Durant les vacances, les heures de travail passées sur l'autoroute de Koléa menant vers Alger sont partagées entre les deux frères. Deux à trois fois par semaine, le grand frère descend jusqu'à Cheraga pour s'approvisionner chez un importateur. Les vacances, Amine ne sait pas ce que c'est. Mais pour l'avenir, le petit bout de chou, sait ce qu'il veut faire. Un diplôme, un local et plein de petits poissons qui feront la joie des enfants. « Je veux travailler comme tous les commerçants à l'abri du vent, du soleil et de la pluie », fera t-il remarquer. A Zéralda, Hichem L, 15 ans, propose aux couples, qui viennent chercher un coin paisible, des roses rouges à 50 dinars l'unité. Depuis deux ans, il a été exclu de l'école et orienté vers la formation professionnelle. N'ayant pu s'inscrire pour apprendre le métier d'électricien, il a trouvé son compte dans la vente des roses. La recette journalière varie entre 50 et 500 dinars. Résidant à Boufarik, c'est son frère qui lui assure le transport matin et soir pour son travail à la plage de Zéralda. Il confie que son père qui vit des produits de sa petite exploitation agricole n'arrive pas à joindre les deux bouts. Avec l'argent gagné de la vente des roses, il aide son père en subvenant aux besoins de la famille. A la plage de Sidi Fredj, Chiheb B, 16 ans, a « squatté » un coin dans le parking et a installé une petite table recouverte d'une toile cirée. Il propose aux estivants des chewing gum, des gaufrettes et des petits beurre. Les prix pratiqués sont légèrement en hausse par rapport à ceux affichés dans les superettes et les épiceries. C'est cette différence que Chiheb empoche. La recette de la journée varie entre 300 et 800 dinars, de quoi aider sa petite famille. Son père est un simple travailleur de la terre chez un exploitant à Staoueli et Chiheb qui est l'aîné d'une grande famille a quitté l'école à la 7ème année. Avec un diplôme de plombier, il n'a pas l'expérience suffisante pour travailler dans une société. Ce «job» est, pour lui, comme une bouée de sauvetage en attendant des jours meilleurs. Les exemples de Amine, Hichem et Chiheb sont légion. En l'absence de statistiques fiables sur le travail des enfants, on peut sans hésiter dire que ce phénomène est banalisé dans notre société même si la loi est là pour les protéger contre le travail précoce. Mais qui peut empêcher un enfant qui a quitté les bancs de l'école de subvenir aux besoins de sa petite famille ?