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Rachid Farès, digne pour l'éternité
Le comédien a été inhumé jeudi dernier à Alger
Publié dans Horizons le 22 - 06 - 2012


C'est ce qui ressort de l'appel qui a été fait à la suite de ce surprenant décès intervenu dans l'après-midi de mercredi dernier à l'hôpital de Baïnem, banlieue d'Alger où le défunt a été transporté après avoir été terrassé par une crise cardiaque. L'artiste pour être inhumé dignement avait besoin de l'aide de la famille artistique à laquelle il a été demandé une cotisation financière, tel que lancé sur le blog de Bachir Derraïs et repris dans les colonnes d'un quotidien national, jeudi dernier. Il n'avait que 56 ans, Rachid Farès et il pouvait encore bien donner à l'art dans toute son expression tant Rachid était talentueux, sachant y faire tant sur les planches que derrière la caméra. Le jeu de l'acteur qu'il prenait tant à cœur et qu'il a toujours défendu était pour lui une seconde nature. D'ailleurs son naturel et la spontanéité dans ses apparitions l'ont fait adopter des téléspectateurs et du public qui le lui rendait bien. Lui qui a été sollicité par de nombreux réalisateurs, l'ont fait dans toute sorte de films, longs ou courts étranges, feuilletons télévisés qu'ils portent sur l'histoire, la révolution, le mélodrame, le policier ou l'humoristique. Il crevait l'écran par ses répliques très populaires, usitées dans le jargon proprement algérien, ses gestes, ses mimiques et jusque ses silences qui le singularisaient des autres comédiens de sa génération et qui le rapprochaient de ses aînés dans la profession de par son professionnalisme presque inné. Sa bonne bouille de chaabiste (populaire) lui a toujours valu la sympathie de ses pairs et du public. Une figure connue et appréciée sinon aimée qui a prouvé à maintes reprises que là où il est placé, il honorait sa présence, apportant encore et toujours un plus à sa prestation dont on n'a jamais douté. Une bonne graine d'artiste ça ne trompe pas, car à son éclosion, il y a ce petit quelque chose qui détonne et qui demeure en se bonifiant avec l'âge et l'expérience. Et ce n'est point pour congratuler l'artiste une fois sous terre mais Rachid Farès que l'on avait l'habitude de rencontrer dans toute manifestation cinématographique ou théâtrale avait cette nonchalance propre à un gars, qui bien qu'il en avait plein la patate —d'ailleurs, il ne se gênait jamais de le crier tout haut alors que beaucoup le pensaient tous bas — qui avec le temps avait de tout temps le même comportement, simple, modeste et plein d'humilité dans ses propos et dans ses gestes et actes. Il était comme ce vêtement dont la tombée ne sied que sur un port majestueux. Il épousait parfaitement le cadre dans lequel il se trouvait que ce soit dans la réalité que dans la fiction. Il était constamment dans son élément. Aux côtés de grandes pointures du 7e art ou du théâtre : Sonia, Sid-Ahmed Agoumi, Larbi Zekkal, Hassen El Hassani, Sid Ali Kouiret, Athmane Ariouet... dans un échange professionnel de répliques qu'il donnait avec brio à de nouvelle têtes de la comédie algérienne. A son inhumation ce jeudi au cimetière Garidi, dans Kouba, sur les hauteurs d'Alger, il y avait foule. Des proches, des amis, des artistes, des admirateurs... Ils étaient tous là, ils étaient tous présents pour le dernier adieu à celui qui a tenu la dragée haute aux plus grands, bien malgré lui, son talent l'ayant surpassé, dicté par sa passion démesuré à l'art et jaloux de la culture nationale. Ceux qui étaient présents à son enterrement disent leur peine de devoir se faire désormais sans Rachid. « L'ami, le professionnel et le militant de la culture qui n'hésitait jamais à exprimer haut et fort ses positions de principe pour le renouveau de la profession. » Un seul leitmotiv sur celui qui disparaît prématurément alors qu'il avait encore tant à offrir de son énergie, sa bonhomie, de sa jovialité sa vivacité et son savoir-faire : « Un comédien talentueux, un passionné et un défenseur du cinéma ». Il est ranimé dans les confidences, « Ce sens profond de la dignité malgré une situation sociale personnelle "difficile". » Et de regretter « que le potentiel artistique de Rachid Farès n'ait pas été exploité à sa juste valeur. » Faouzi Saïchi résume cette situation : "Voilà un parcours très riche mais pas beau"(...) "le cinéma comme la télévision n'ont pas su exploiter les immenses capacités artistiques de ce comédien très sobre mais qui ne mâchait pas ses mots, lorsqu'il s'agit de défendre bec et ongles le métier d'acteur » Belkacem Hadjadj dont le film "Le Bouchon" (1976) symbolise les débuts de l'artiste disparu, a salué pour l'APS, la "rage" et la "passion" qu'avait Rachid Farès pour le métier de comédien, tout en s'arrangeant pour trouver sa place, par le verbe et par la force des bras, dans le monde ardu du cinéma. Pour sa part, Hamza Foughali qui a campé des rôles à l'écran, en compagnie du défunt, se contentera de dire de Rachid Farès qu'il "a honoré le cinéma algérien" et qu'il fut un "gentil et généreux bonhomme, très sympathique, simple et modeste". L'acteur Ahmed Benaïssa qui a souvent été vu en compagnie du défunt, lié sans aucun doute par des liens d'amitié — comme en ces journées du cinéma méditerranéen à Annaba en juin 1987, où les deux compères se retrouvaient souvent au détour de débats houleux et non moins animés d'avis unanimes sur la profession qui les unissait aussi — regrette la grande bonté de « l'homme au "talent infini", à son sens de l'humour et à son "amour illimité pour le cinéma et la vie". "Rachid Farès était un homme d'une grande sensibilité et plein de générosité. La seule haine qu'il avait c'était envers la méchanceté grasse et gratuite. Incontestablement, il a marqué le cinéma algérien par son tempérament, sa personnalité et son charisme". Un charisme maintes fois démontrés et dont attestent ses présences remarquées dans "Morituri" de Okacha Touita ; "Le thé d'Ania" de Saïd Ould Khelifa ; "Le clandestin" de Benamar Bekhti, "L'envers du miroir" de Nadia Chérabi, et bien d'autres productions. Les tréteaux, ça le connaissait aussi, puisqu'il a été aux côtés des meilleurs ; il a été en duo avec la grande Sonia dans "Nuit de divorce", dans une prestation mémorable face à la grande dame du théâtre algérien, où Rachid Farès avait donné la pleine mesure de ses capacités dramatiques. Sa dernière apparition a été dans le film sur le Chahid Mustapha Ben Boulaïd de Ahmed Rachedi, aux côtés de Hassan Kachache et Slimane Benaïssa.

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