Quelle symbolique donnez-vous à ce Ramadhan ? Pour moi le Ramadhan est fondé sur la solidarité et la clémence. C'est l'occasion de renforcer les valeurs ancestrales, ce qu'on appelle actuellement les valeurs universelles et de faire un point sur notre situation spirituelle et morale. On se ressource en faisant le bilan moral et spirituel de sa personne. Telle est pour moi la symbolique véritable de Ramadhan. C'est un mois ordinaire avec la seule différence : faire son autocritique et s'arrêter sur les manquements et les faiblesses pour redémarrer sur de nouvelles bases en corrigeant bien évidement les erreurs du passé. Parallèlement, concrètement sur le terrain, essayer de regarder autour de soi et de semer du bonheur comme toujours. Ce qui me choque, c'est le fait de parler de solidarité uniquement durant le mois sacré. On doit replonger au fin fond de soi et toucher du doigt ce qui reste à faire. Il ne faut surtout pas sombrer dans une léthargie pendant toute l'année et se réveiller durant le Ramadhan pour faire de la solidarité. Celle-ci doit être ancrée au sein de notre société musulmane au fil du temps et non pas occasionnellement. Parlez-nous de vos journées ramadanesques... Ma journée ne change pas. Je me réveille tous les jours à 6h30. Je ne veille pas. C'est un mois comme les autres sur le plan du travail. Cette année, exception faite à cause de la grosse chaleur on essaye de ne pas s'exposer au soleil pour ne pas se déshydrater. Ma journée reste la même. Je ne peux pas tout faire. Je ne fais pas la cuisine, je m'occupe des autres. Mon activité se résume à être présente aux côté de ceux qui souffrent. Cette présence exige une disponibilité. Il m'arrive rarement de cuisiner. Je le fait uniquement quand je suis libre. Avez-vous des habitudes culinaires spéciales ? Je ne mange pas de chorba ou de bourak. Je préfère des bouillons de légumes et des salades. Cette chaleur favorise la consommation des boissons et des fruits. Le soir, je ne sors que si j'ai affaire. Je veille à ne pas changer mon mode de vie. Je pense que le meilleur remède c'est le sommeil avant minuit. Je ne vous cache pas je mange une seule fois à l'adhan et je ne me réveille pas au shour. Dans la soirée je prends uniquement des fruits et des sucreries et c'est tout. Je fais mes prières surérogatoires à la maison. « Le m'as-tu-vu » n'est pas mon genre. C'est pour cela que j'ai parlé de valeurs. C'est valable pour les commerçants. On les trouve au premier rang à la mosquée et ils sucent le sang des petits citoyens. La religion c'est le comportement. C'est aussi la notion de travail, l'honnêteté et la solidarité. Quel sera votre message aux citoyens ? Je souhaite que les gens redeviennent eux-mêmes. Qu'ils fassent leurs introspections. Ils doivent se réconcilier avec leurs valeurs et leurs références. La société n'a plus de repères et c'est grave. Mon rêve c'est que la solidarité se fasse dans le respect de la dignité humaine. Je suis contre le couffin de Ramadhan, contre les restaurants de la rahma. C'est un manque de respect à l'égard des nécessiteux. Même en termes de religion, la main qui fait une donation ne doit pas le faire savoir à l'autre main. Les restaurants du cœur ne font pas partie de nos traditions. Les gens doivent vivre dans la parité pour n'avoir besoin de rien et même si des actions de solidarité sont nécessaires il faut les faire dans la discrétion et le respect de la dignité humaine.