Ce sont autant de questions qu'il va falloir poser aujourd'hui, lorsqu'on sait qu'il n'y a pas longtemps, beaucoup d'entreprises, surtout celles du bâtiment n'arrivaient à honorer les salaires de leurs travailleurs que grâce au concours de l'Etat. Parmi les représentants du patronat qui ont voulu nous livrer leur point de vue sur la question, le Forum des chefs d'entreprises (FCE) et le CNPA. Des craintes, mais aussi des questionnements. Selon le président du FCE, Réda Hamiani, le relèvement des salaires suite à l'abrogation de cet article aura ce qu'on appelle « un effet d'accordéon » qui va pousser les salaires du bas vers le haut. Son incidence est évaluée « à 20 % d'augmentations qui toucheront tous les salaires ». Mais la situation diffère d'une entreprise à une autre. « Celles qui se portent bien financièrement n'auront aucune crainte quant à la prise en charge de ses retombées financières, c'est-à-dire qu'elles auront sans aucun doute des capacités d'amortissement à l'image des entreprises de l'agroalimentaire et du bâtiment », explique M. Hamiani. Néanmoins, il reconnait que « beaucoup d'autres auront du mal à recalculer leurs salaires, selon la nouvelle grille ». Les répercussions des ces hausses indirectes soulèvent un autre problème puisqu'elles interviennent « dans un contexte de poussées inflationnistes induites par les relèvements en cascade des salaires intervenues en 2011 », ajoute M. Hamiani, en économiste averti. Il en veut pour preuve les indices de la « hausse des prix de produits qui ont atteint plus de 9,3 %». Autre problème d'envergure macro-économique, les injections de salaires sont censées réactiver la demande mais celle-ci est loin d'être couverte actuellement par la production locale. Il va de soi donc que tout relèvement des salaires, direct ou indirect n'ira que dans « le sens d'un gonflement supplémentaire des importations », met en garde le président du FCE. UGTA : DES AUGMENTATIONS « SUBSTANTIELLES AUTOMATIQUES, SANS NEGOCIATIONS » Cette suspicion vis-à-vis de la question des salaires est partagée par un autre représentant du patronat, Mohamed Saïd Naït Abdelaziz, président de la confédération nationale du patronat algérien (CNPA). N'empêche, il admet que la revalorisation qui en découle est légitime en soi « et notre organisation n'a pas pour vocation de la remettre en cause ». Cependant, il affirme qu'il faudrait que le gouvernement introduise « un équilibre salaire-travail » et engage « un véritable débat sur la politique des salaires ». Ce que son organisation a toujours défendu, c'est-à-dire que la définition des éléments du salaire, pour lui « ne peut se faire sans contrepartie ». Pour le patron du CNPA, il est clair que « tout travail mérite salaire et tout salaire mérite travail ». L'UGTA dont le secrétaire général, M. Sidi Saïd vient de rappeler que l'abrogation de l'article 87 bis a été officiellement arrachée, n'a pas manqué de rappeler que cette décision engendrera immédiatement et automatiquement, sans négociations, des augmentations substantielles des salaires dans tous les secteurs sans toutefois parler de ses incidences sur les entreprises. La 14e tripartite en septembre 2011 avait posé le problème de l'abrogation des dispositions de l'article 87 bis sur les relations de travail, imposé par le FMI, et destiné à contenir les augmentations de salaires. Les partenaires sociaux, patronat, UGTA, gouvernement avaient réussi à mettre sur pied un groupe de travail pour évaluer les incidences de cette abrogation et préparer la prise en charge de cette question dans la révision du Code du travail en instance depuis 2005, à cause justement de cet article.