Dans cet entretien, Djabir Saïd Guerni, l'ex-champion du monde du 800m et médaillé de bronze aux JO de Sydney 2000, dresse un bilan succinct de la participation algérienne aux Jeux olympiques tout en donnant son avis sur les problèmes que rencontre actuellement le sport algérien en général, l'athlétisme en particulier. Comment voyez-vous la participation des athlètes algériens aux derniers JO de Londres concrétisée par une seule médaille d'or ? Du moment que nous avons réussi à décrocher une médaille d'or grâce à Makhloufi, je dirais que le bilan algérien dans ces JO de Londres reste satisfaisant dans l'ensemble. Ce qui reste a mon avis, un grand honneur pour le sport algérien et ce compte tenu de la mauvaise passe qu'il traverse ces derniers temps. En tout état de cause et quelles que soient les conditions dans lesquelles il se trouve, l'athlète algérien a cette particularité de répondre toujours présent lors des grands rendez-vous. Makhloufi en est le parfait exemple. Croyez-moi, j'étais l'une des rares personnes à avoir beaucoup misé sur cet athlète. J'étais convaincu qu'il allait décrocher une médaille lors de ces JO, mais ce serait mentir si je vous disais de quelle couleur elle serait. Maintenant que cette médaille soit en vermeil, c'est tant mieux pour l'Algérie et pour Makhloufi a qui je souhaite le bonheur et une continuité. A votre avis, a quoi est due cette mauvaise passe que traverse le sport national ? Actuellement, en Algérie, je pense qu'il y a un décalage dans la raison réelle du sport. Je m'explique : il existe une nouvelle génération de sportifs qui fonctionnent avec un nouveau mode de gestion. Or, chez nous, on n'est pas encore à la page, notamment avec les exigences du sport de haut niveau. C'est donc une affaire de gestion ? Absolument, surtout que les moyens existent et là, je défie quiconque d'affirmer le contraire. Le problème, c'est comment gérer ces moyens ? Je pense que le mode de gestion dans le sport algérien n'est pas encore en adéquation avec le haut niveau. D'ailleurs, le MJS l'a compris. Pour preuve, dernièrement, il y a eu des changements. On a procédé à une révision dans le mode de gestion. J'espère que cette nouvelle politique puisse porter ses fruits. Ne pensez-vous pas qu'il faudrait aussi revoir le barème des bourses à l'étranger ? En tout cas, cette question est en débat au niveau de la tutelle. Je ne vous cache pas, j'ai moi-même été consulté dernièrement par les responsables du MJS afin de donner mon avis par rapport a ce sujet. Actuellement, il y a une étude qui se fait au ministère des Sports à propos de la préparation des athlètes pour le haut niveau. Dorénavant, la nouvelle politique prônée par le MJS est la prise en charge et la promotion de la formation du haut niveau à partir du jeune âge, ce qui n'était guère le cas auparavant. C'est d'ailleurs l'objectif de la nouvelle école nationale des sports olympique de Sétif que j'aurais l'honneur de diriger et dont le démarrage est prévu en septembre prochain. Revenons à Makhloufi. Selon vous, quelles sont ses qualités ? J'ai décelé chez Makhloufi une grande vertu, qu'on ne peut trouver chez n'importe quel athlète. C'est le courage. Figurez-vous, la veille de la fameuse finale olympique du 1.500 m, nous nous sommes retrouvés chez notre sponsor commun. Naturellement, je lui ai demandé s'il était prêt. Savez-vous, ce qu'il m'a répondu ? Dites nous, SVP... D'un air très serein, il m'a dit : « Soit, on est algérien, soit on ne l'est pas. » Peut-on voir Makhloufi régner sur la discipline comme Morceli et les autres pendant une décennie ? Il n'y a aucune doute là-dessus. Vu l'énorme potentiel dont il dispose, je dirais que Makhloufi a toutes les cartes en main pour régner en maître sur le 1500m. Maintenant, il doit encore apprendre afin d'acquérir plus d'expérience pour bien gérer la suite de sa carrière.