Le film, selon Daniel Kupferstein, évoque le drame du 14 juillet 1953, qui s'est produit à Paris, lors d'une manifestation où la police française avait tué 6 Algériens et un Français outre des dizaines de blessés dont la majorité par balles. « Ce qui est troublant avec ce fait dramatique, c'est que cette histoire est quasiment inconnue. Pratiquement, personne n'est au courant de son existence. C'est comme si une page d'histoire avait été déchirée et mise à la poubelle », a déclaré Kupferstein. On peut comprendre aisément que le gouvernement et l'Etat français, a souligné le réalisateur, qu'à l'instar des manifestations du 17 octobre 1961 et de Charonne, n'ont pas voulu faire une grande publicité à l'attitude de sa police parisienne. « Au contraire, on peut dire qu'ils ont tout fait pour enterrer l'histoire n'hésitant pas à mentir honteusement à la tribune de l'Assemblée nationale comme lors de leurs déclarations officielles », notera t-il. Le réalisateur a, par ailleurs, affirmé que très peu d'historiens se sont penchés sur cette manifestation. A cela s'ajoute le manque d'archives, l'absence de témoignages ou de procès, hormis le travail de deux historiens qui se sont intéressés à cette manifestation, mais leurs thèses sont restées relativement confidentielles. Daniel a rappelé que l'unique œuvre de Maurice Rajfus, édité pour l'anniversaire de ce drame en 2003, en témoigne peu, malheureusement l'ouvrage dont le tirage a été limité est introuvable et complètement épuisé. « Plus étonnant est le silence fait par les syndicats et partis de gauche sur ce massacre, car il y a tout de même un militant français de la CGT et du PCF qui est mort d'une balle dans le cœur », a-t-il estimé Plusieurs explications à ce silence figurent au menu selon le réalisateur qui avance l'inégalité de traitement entre Français et Algériens, méfiance entre les communistes et le mouvement nationaliste algérien qui défilait ce jour-là. « Et puis, la guerre d'Indochine faisait rage, on inculpait facilement les militants qui portaient atteinte au moral de l'armée, comme Henri Martin. Pour couronner le tout, 15 jours après cette répression, une des plus grandes grèves de l'histoire de la fonction publique éclatait au tout début du mois août », soulignera t-il. Du côté des Algériens, a-t-il rappelé, le fait que l'organisation nationaliste qui défilait ce jour-là, le Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD) dirigé par Messali Hadj était sur le point de se déchirer pour donner naissance au FLN en déclenchant la Révolution nationale le 1er novembre 1954. Celle-ci a sûrement contribué à éclipser cette journée dramatique. Ce sont les raisons, a estimé Daniel Kupferstein, qui ont contribué à jeter un voile épais sur ces événements. Ce film sera l'histoire d'une longue enquête contre l'amnésie. « Enquête au jour le jour, pour trouver des témoins pour faire parler les historiens, pour apprendre des bribes d'informations dans les journaux de l'époque, dans les archives et autres centres de documentation, mais aussi dans les agences photographiques ou cinématographiques afin de reconstituer le maximum de faits. Je veux me mettre dans la peau d'un chercheur ou d'un historien qui rassemble toutes les pièces d'un puzzle et qui se replace dans le contexte de l'année 1953, pour tenter de comprendre pourquoi la police française a tiré alors que la manifestation était pacifiste et touchait à sa fin. » Le réalisateur s'attelle, à travers son film, à élucider le silence insupportable (notamment pour les familles des victimes) et pourquoi, à peine 15 jours après le meurtre, les 7 morts ont disparu complètement de notre mémoire collective ? Lors de sa présence en Algérie, Kupferstein interviewera les quelques Algériens encore vivants qui étaient aux premiers rangs dans cette manifestation et qui ont tout vu. « Cette recherche sera la trame de mon film et elle me conduira tout naturellement en Algérie. Et avant que les derniers témoins ne disparaissent, il est temps de reconnaître cette injustice. » Plusieurs témoignages seront filmés entre autres ceux de Boufeldja Laouedj né en 1928, et un des blessés de cette manifestation, Chérif Darkrim, né en 1933 au douar M'Sirda Fouaga (Tlemcen). Avec aussi un tournage sur la tombe à Tiout (Naâma) avec Brahim Henine, un autre de Ahmed Boudaoud neveu de Daoui Larbi, son demi-frère Kouider. Benamara Khelifa, historien, sur l'enterrement de Sahnoun Boubeker compagnon de combat... Rappelons que le réalisateur Daniel Kupferstein est l'auteur de plusieurs films entre autres « Mourir à Charonne, pourquoi ? », « Dans le regard de l'autre », « Les oubliés de l'histoire, les étrangers dans la résistance et la libération ».