« Ce qui complique la situation, c'est le sentiment grandissant que nos frères d'Ennahda s'emploient à contrôler les rouages administratifs et politiques de l'Etat. Ce sont des pratiques qui nous rappellent l'ère révolue du président déchu, Zine el-Abidine Ben Ali » dit-il, dans une lettre lue en son nom, à l'ouverture, vendredi après-midi, au palais des Congrès de Tunis du 2e congrès de son parti, le Congrès pour la République (CPR), par Walid Haddouk, l'un de ses conseillers. « Ce sont des pratiques qui nous rappellent l'ère révolue », dénonçant « des nominations arbitraires à des postes clés de partisans de Rached Ghannouchi qu'ils soient compétents ou non ». Notamment à la tête des médias publics. En signe de protestation à cette prise de position qui a été vivement acclamée par les congressistes, plusieurs membres du gouvernement du parti islamiste ont quitté la salle. « Marzouki estompe la vérité », disent-ils. « Nous considérons que les opinions de M. Marzouki n'engagent pas le CPR », estime le chef du parti islamiste. Outre cet échange d' « amabilités », la coalition est minée par plusieurs désaccords de fond sur la Constitution dont l'adoption, prévue fin octobre, pourrait être repoussée à février prochain, voire mars. Ennahda, qui domine l'Assemblée nationale constituante depuis octobre 2011, veut un régime parlementaire pur. Le CPR et Ettakatol, le troisième membre de la coalition tripartite, veulent des prérogatives importantes pour le chef de l'Etat. Est-ce la fin de la troïka ? Pas évident. A l'approche de la présidentielle, chaque parti cherche à marquer son espace. Le CPR, qui élira, aujourd'hui, un nouveau secrétaire général, un bureau politique et les 40 membres du Conseil national, pourrait annoncer le nom de son candidat à l'élection présidentielle. Selon Mohamed Abbou, son actuel secrétaire général, même si les présidentielles sont au menu de ce congrès, la décision « sera prise lors d'un congrès extraordinaire ». Marzouki sera vraisemblablement, dit-il, ce candidat. En attendant ce rendez-vous, les débordements provoqués par les salafistes, se multiplient dans tout le pays. Sit-in dans les universités, commissariats caillassés, chaînes de télévision assiégées, expositions annulées... au nom de l'atteinte au sacré. Dans certaines villes, ils font la police. Dans d'autres, ils bousculent les imams dans les mosquées. Ennahda n'a pas pris le risque de condamner toutes ces violences. Pas une seule fois. Ghannouchi, qui estime qu'il faut dialoguer avec les salafistes pour ne pas augmenter leur exclusion et radicaliser leur engagement, cherche probablement à créer un rapport de force dans l'opinion publique en faveur d'une islamisation de la société. Les députés d'Ennahda n'ont-ils pas déposé, le 1er août dernier, à l'Assemblée nationale, un projet de loi... punissant l'atteinte au sacré ? Mustapha Ben Jaafer, le président de l'Assemblée met en garde contre le retour des forces contre-révolutionnaires, même si elles sont élues démocratiquement. Les analystes de la scène tunisienne s'interrogent, eux, si le président qui tient un discours d'opposant, restera longtemps à Carthage.