Si certains le considèrent avantageux pour le marché algérien, d'autres estiment qu'il demeure insuffisant. Pour ces derniers, sa mise en application doit être accompagnée par d'autres mesures susceptibles de renforcer le niveau des entreprises algériennes en vue de leur permettre de placer leurs produits sur le marché européen. C'est l'avis de l'expert en économie et développement, Malek Seraï. « Certes cet accord est positif et il est même considéré comme étant un acquis mais il demeure insuffisant », souligne-t-il, tout en notant que les secteurs concernés par cette entente, entre autres l'agriculture et l'industrie, « ne sont pas encore prêts à proposer des produits à l'exportation ». Sentence : « le report du démantèlement tarifaire de trois années, soit jusqu'au 2020 au lieu de 2017, n'est pas approprié, il aurait été préférable de négocier des périodes plus longues et exiger une véritable mise à niveau des entreprises algériennes pour mieux les préparer à l'exportation », estime-t-il. La priorité, du point de vue de cet expert international, c'est d'engager des programmes de formation au profit des cadres supérieurs dans le marketing, le management, les hautes technologies et les langues étrangères. « Nous devons former une génération de hauts managers qualifiés pour aller investir le marché européen », explique-t-il avant de soutenir, dans le même contexte, que « sur la base des expériences, nous considérons que beaucoup de choses doivent être revues dans les relations Algérie-UE, dont le mouvement des personnes, le transfert de technologie, le transport de marchandises... ». Pour M. Seraï, l'Algérie est actuellement dans une situation qui lui permet d'exiger davantage. « Quand l'Algérie a signé le premier accord avec l'UE, elle était en situation de faiblesse, notamment sur le plan sécuritaire. Or, actuellement, notre pays a gagné en stabilité politique, en santé financière et en sécurité. En outre, de nouvelles découvertes minières ont été réalisées, ce qui nous place comme fournisseurs privilégiés des Européens », argumente-t-il. UN GAIN DE QUATRE MILLIARDS DE DOLLARS L'économiste Bachir Messaïtfa n'en pense pas moins. Mais pour lui, le nouveau calendrier, qui prévoit la levée des barrières tarifaires pour une large gamme de produits importés, aura des incidences positives sur le marché algérien. Il souligne que l'Algérie récupérera les pertes occasionnées de l'application des deux premiers programmes de l'accord d'association avec l'UE durant la période de 2005-2010, pertes estimées à 6 milliards de dollars. « Avec le nouvel accord, nous estimons que l'Algérie gagnera pas moins de quatre milliards de dollars. C'est important dans la mesure où ce volume est l'équivalent du rendement des placements de l'Algérie au niveau des places financières américaine et européenne durant l'année 2011 », signale-t-il. L'optimisme de M. Messaïtfa s'arrête là. Car du point de vue économique, il estime que l'accord ne pourra être qualifié d'acquis que dans un seul cas : la diversification de l'économie via la multiplication des partenaires et la relance d'une industrie forte hors hydrocarbures. L'économiste Mourad Goumiri avance, pour sa part, que l'impact d'un tel accord est sans importance. « Il faut tout d'abord se poser la question : avons-nous besoin de cet accord ? Pour y répondre, il faut évaluer les avantages et les inconvénients qu'il implique », remarque-t-il. Le démantèlement tarifaire, d'après lui, « va faciliter les importations algériennes, ce qui va permettre un meilleur approvisionnement du marché national en biens et services et en même temps, alourdir la facture de nos importations qui a atteint un niveau record de 50 milliards de dollars cette année. Comme nous n'exportons pratiquement rien hors hydrocarbures, nous ne jouirons pas de la réciprocité que nous confère cet accord pour nos exportations », tempère-t-il. Et d'ajouter que réviser le calendrier de négociation ne règle pas le problème. De son avis, il ne fait que retarder l'échéance à une date ultérieure que nous ne pourrons éviter. « Le problème est donc ailleurs, dans notre capacité à produire des biens et services compétitifs pour le marché national et éventuellement placer nos produits sur le marché international », conclut-il.