« Panem et Circenses », du pain et des jeux, l'adage de la Rome impériale semble refléter l'époque où même dans les bidonvilles des pays les plus pauvres, le Mondial est suivi avec passion. Les craintes nées des coupures d'électricité semblent désormais plus craintes dans certains pays que les fraudes électorales ou la mauvaise gestion des services publics. Le simple divertissement du pauvre qui sert de cache misère est-il en passe de devenir le nouvel opium des peuples à l'échelle universelle ? Du temps de ses implacables dictatures militaires, l'Amérique du Sud était déjà réputée pour le recours à la magie de ses footballeurs pour faire écran à l'arrière-cour où agonisaient les opposants et les récalcitrants à l'ordre établi. Les peuples sont-ils devenus à ce point peu regardants sur leurs conditions d'existence pour se plonger dans un monde où le statut des vedettes, les sommes qui sont brassées lors de leur transfert peuvent apparaître comme une insulte voyante à la condition des salariés ? Le malheur des uns font le bonheur des autres. C'est au moment où un peu partout l'heure est à la rigueur, où le mot crise se décline sur les tous tons, que la planète football affiche d'opulents signes de santé. Mais depuis que le monde est monde, les gens ont besoin de rêver, de s'évader des contraintes de la vie quotidienne. Les feuilletons ou la richesse, le luxe ne font-ils pas d'abord le délices des pauvres qui peuvent vivre ainsi par procuration ? Le football satisfait aussi amplement cette attente. Il coûte peu cher pour les uns et peut rapporter gros pour les autres. Mieux, c'est un loisir populaire par excellence détrônant le théâtre ou le cinéma réservée à une partie de la population. Aujourd'hui, le football n'est plus seulement un sport mais un espace où les enjeux économiques prennent de plus en plus d'importance. Les contrats publicitaires, l'organisation des tournois se négocient en milliards de dollars. Les vedettes ont remplacé progressivement les acteurs pour le lancement des produits. L'éventail est large. Cela va des cosmétiques aux téléphones portables et yaourts. La mondialisation des moyens d'information a fait le reste. Il est loin le temps où la radio, elle-même peu introduite dans les foyers, avait de simples speakers. La télévision, entrée par effraction dans les familles, a introduit le stade dans la maison au point que certains ne s'y déplacent même plus. C'est aussi cela qui est à l'origine de l'intérêt des femmes pour un sport qui, il faut le reconnaître, permet de rendre visible tout pays. Souvent mieux que la performance de ses diplomates.