Lors d'une descente, les unités de la Gendarmerie nationale de la wilaya de Tlemcen ont ciblé les débits de boissons alcoolisées exploités sans autorisation. En fait, les réseaux de drogue sévissant à Maghnia procèdent au troc en échangeant des quantités importantes de carburant contre des boissons alcoolisées et du kif marocains. Selon les informations recueillies sur les lieux, 100 litres de carburant algérien sont troqués contre 10 bouteilles de Whisky. Les analyses effectuées par les laboratoires des différents services de sécurité ont démontré que ces boissons alcoolisées, fabriquées au Maroc, sont frelatées « à l'instar du Whisky fait avec des produits toxiques, donc cancérigène », explique le capitaine Hellal de la section de recherches de la GN de Tlemcen. Et d'ajouter : « les contrebandiers importent de l'alcool toxique dans des jerricans et exportent du vrai mazout vers le Maroc ». Concernant la drogue, elle est échangée à raison de 1 000 litres de mazout contre un kilogramme de résine de cannabis. DES CONTREBANDIERS PRETS A TUER ! Ce phénomène de troc a pris des proportions énormes. Ainsi, les éléments de la compagnie de la GN de Maghnia ont saisi quelque 6 500 bouteilles de breuvage alcoolisé importées frauduleusement du Maroc au niveau du tracé frontalier dit « Ferme V » à la forêt Zitouna à Maghnia. La valeur de la marchandise est estimée, selon nos sources, à plus de 600 millions de centimes. Il était 21h quand les éléments de la brigade territoriale de la GN de Maghnia, en coordination avec les éléments de la section de sécurité et d'intervention (SSI) et la section de recherche, en patrouille, ont détecté un mouvement suspect dans la forêt Zitouna, aux abords d'un entrepôt clandestin. A la vue des gendarmes, un individu à bord d'un véhicule de marque Mercedes immatriculé à Tlemcen, a tenté de fuir. Il a été arrêté après avoir heurté un gendarme. « Nous sommes habitués aux risques, les contrebandiers et les narcotrafiquants sont prêts à tout, mais nous aussi nous sommes déterminés à les mettre hors d'état de nuire », dira un membre de cette unité d'élite de la SSI. Le chef de compagnie de Maghnia, le commandant Slimane Kaïdi, qui supervise l'opération, a expliqué que l'effectif mobilisé dans ce genre d'interventions est toujours renforcé par les éléments des SSI afin de faire face à toute éventuelle agression ou violence. Ces éléments de la GN sont formés en matière de lutte contre le crime organisé. Le conducteur arrêté, un émigré, a justifié son comportement violent par l'effet de surprise provoquée par l'intervention des gendarmes. « Je n'ai rien fait. Je suis de passage. Je me suis arrêté juste pour prendre l'air », se défend-il, en niant être en état d'ébriété. La fouille du véhicule a abouti à la découverte d'une dizaine de bouteilles de bière vides, bien dissimulées dans la malle. L'HYSTERIE DES FEMMES DES CONTREBANDIERS Munis d'un mandat de perquisition, les gendarmes bouclent la ferme. La tâche n'a pas été pas facile devant le refus de la famille d'ouvrir le grand portail de la maison. Réalisant que les gendarmes bouclaient les lieux, Yamina, la quarantaine passée, a fini par céder momentanément. Les éléments des SSI épaulés par les enquêteurs ont investi les lieux et démantelé un dépôt à ciel ouvert astreint à l'habitation. Des dizaines de bouteilles de boissons alcoolisées de différentes marques ont été découvertes. Cela va de la bière à des liqueurs dissimulées dans des cartons et des jerricans. D'autres bouteilles ont été mises dans de grandes bassines, couvertes de glaçons. « Elles sont prêtes à l'emploi », fait remarquer le capitaine Hellal. D'ailleurs, les gendarmes ont trouvé sur les lieux deux véhicules abandonnés par leurs propriétaires, des revendeurs d'alcool, qui ont pris la fuite à leur vue. « Ils ont été identifiés et sont recherchés », précise l'officier de la section de recherches. On apprendra, plus tard, que le propriétaire d'un véhicule Renault Mégane, immatriculé en Allemagne, s'est rendu à la brigade de la GN de Maghnia. Mais la saisie de la marchandise n'a pas été de tout repos. La famille du contrebandier a opposé une résistance farouche aux gendarmes. Des femmes ont menacé de s'immoler par le feu avant de tenter de faire exploser une bouteille de gaz butane. Des enfants criaient et les femmes étaient prises de crise d'hystérie. La mère du contrebandier, une vieille, criait : « Je vais mourir... Je vais mourir...laissez-nous en paix. Mon fils est atteint d'un cancer, Dieu vous bénisse ». Le sang froid des éléments de la GN a déjoué ces tentatives. Le commandant Kaïdi a expliqué à « Yamina », la sœur du contrebandier, « qu'il ne fait que son travail ». Cette dernière, connue aussi par les services de sécurité pour ses activités douteuses, a tenté de convaincre l'officier de la GN de la laisser quitter les lieux déclenchant les pleurs des enfants. La femme du contrebandier était plus agressive. « Dégagez ! », lançait-elle aux gendarmes tout en proférant insultes et injures. L'officier de la section de recherches réagit avec beaucoup de sang froid. « Nous faisons notre travail dans la légalité. On préfère s'adresser aux hommes de la famille s'il vous plaît. Que les femmes et surtout les enfants regagnent la maison », leur dit-il. D'ailleurs, une femme, officier de la GN, a été mobilisée pour cette opération. Car les gendarmes essuient toujours le même accueil : les femmes commencent par crier en « incitant » les enfants à pleurer aussi avant de changer de « stratégie » en recourant à la violence. Les gendarmes ont essuyé des insultes et ont été bombardés de casseroles, de pierres et de bouteilles. Le colonel Noureddine Boukhebiza, commandant de la GN de Tlemcen, avait réuni ses unités avant le début de l'opération. Lors du briefing, il a insisté surtout sur le respect des citoyens durant l'opération. L'ARGENT DE L'ALCOOL BLANCHI DANS L'IMMOBILIER ET LE FONCIER AGRICOLE L'opération a duré plus d'une heure. Près de 15 véhicules de marque Toyota de la GN ont été chargés et un véhicule particulier réquisitionné pour évacuer les cartons et les sacs poubelles chargés de bouteilles vides. Finalement, le contrebandier, B. M., âgé de 41 ans, un repris de justice, s'est rendu aux gendarmes. Sa femme, prise d'une crise d'hystérie, n'a pas manqué de lancer des obscénités aux gendarms. Les gendarmes quittent les lieux. « C'est l'essentiel pour nous », dira un élément du SSI. La descente a duré jusqu'à une heure du matin. Plus de 6 300 de bouteilles d'alcool ont été saisies à Remchi, Aricha et Maghnia. Onze personnes, dont une jeune fille et une femme de 46 ans « contrebandières », sont impliquées dans ce trafic. « Les revenus de ce trafic sont investis dans l'immobilier et le foncier agricole », explique l'officier de la GN.