Freiné par le conflit syrien, le « Printemps arabe » a-t-il repris son cours depuis la Jordanie voisine ? Malgré l'annonce, jeudi, par le roi Abdallah II de la dissolution du Parlement et la convocation d'élections anticipées avant la fin de l'année - dans le cadre de ses réformes démocratiques -, la rue ne décolère pas. Quelque 15.000 personnes ont manifesté, vendredi, à Amman, à l'appel de l'opposition islamiste réclamant des réformes de fond, et dont les mots d'ordre sont : une loi électorale démocratique, des changements dans la Constitution, des gouvernements élus, un pouvoir judiciaire indépendant, une Cour constitutionnelle, une lutte efficace contre la corruption et une non-ingérence de la Sécurité dans la vie politique. « Nous réclamons une véritable réforme constitutionnelle qui donnerait du pouvoir au peuple jordanien », a déclaré Hammam Saïd, dirigeant des Frères musulmans s'adressant aux manifestants. Les islamistes, qui dominent le mouvement contestataire, crient au loup. Ils accusent le système électoral de privilégier les régions rurales, considérées comme loyales au gouvernement, dont les partisans sont majoritaires au Parlement. Les Frères exigent « un gouvernement parlementaire réel » avant de prendre part aux prochaines échéances électorales. Faute de quoi, ils boycotteraient le scrutin, discréditant ainsi les velléités démocratiques du monarque. Et pourtant, les autorités du pays ne sont pas restées insensibles devant les desiderata des protestataires. Le gouvernement est allé jusqu'à modifier la loi électorale, mais en vain. Le bras de fer entre ces derniers (galvanisés par le succès de leurs « frères » en Egypte et en Tunisie) est d'autant plus irréductible qu'aucun compromis entre les deux parties ne pointe à l'horizon. Dans une interview récente, le roi Abdallah II avait qualifié l'attitude des islamistes d'« énorme erreur de calcul », estimant que le scrutin était une étape « fondamentale dans le processus des réformes et la marche vers la transition ». « Je dis donc aux Frères musulmans, vous avez le choix : soit rester dans la rue soit aider à construire la nouvelle Jordanie démocratique », a-t-il lancé. Quoi qu'il en soit, les Jordaniens ont jusqu'au 15 octobre pour s'inscrire sur les listes électorales. Plus de 1,8 million s'y sont déjà inscrits, sur près de trois millions d'électeurs potentiels.