Les législatives anticipées, le dernier test pour le souverain hachémite Le roi Abdallah II de Jordanie, confronté à un mouvement populaire réclamant d'importantes réformes, préconise la tenue d'élections législatives anticipées d'ici fin 2012, mais l'opposition islamiste reste sceptique. Depuis janvier 2011, le royaume est le théâtre de manifestations relativement limitées mais régulières réclamant des réformes politiques et économiques, ainsi que des mesures anti-corruption. Ce mouvement de contestation, initié principalement par la puissante opposition islamiste, s'est accompagné d'une importante instabilité politique, avec pas moins de trois changements de Premier ministre en l'espace de 16 mois. Une semaine après la nomination d'un nouveau gouvernement pour remplacer le précédent accusé d'avoir été trop lent à mener des réformes, le roi a avalisé la création d'une Commission électorale indépendante chargée de superviser le scrutin, un élément clef de la réforme électorale selon certains. «La Jordanie a une occasion historique de choisir son avenir cette année» a déclaré lundi le roi aux députés, les appelant à travailler avec le gouvernement sur les lois régissant le fonctionnement des partis politiques, les élections, ainsi qu'une Cour constitutionnelle. «Tous ces efforts seraient vains s'ils n'aboutissent pas à des élections législatives équitables et transparentes d'ici la fin de cette année» a-t-il ajouté, cité par un communiqué du palais. Le monarque n'a pas parlé à proprement dit d'élections «anticipées» mais les prochaines législatives devaient normalement se tenir en 2014. Le gouvernement a approuvé en avril un projet de loi électorale introduisant une dose de proportionnelle et augmentant le nombre de sièges de députés réservés aux femmes, un texte qui doit être voté par le Parlement durant la session en cours s'achevant le 25 juin. Des dirigeants jordaniens assurent que le roi est très sérieux dans sa volonté de réformer. «Le roi (...) est le garant des réformes et ne tolèrera pas de retard dans le processus», a déclaré un haut responsable sous couvert d'anonymat. «La Jordanie tente de profiter du Printemps arabe pour accélérer d'importantes réformes», a-t-il ajouté. «Les mouvements politiques et les députés doivent engager un dialogue afin d'arriver à un accord sur la loi», indique le ministre de l'Information et porte-parole du gouvernement Samih Maayatah. Cependant, les islamistes sont plus que dubitatifs. Ils ont notamment vivement critiqué la nomination du dernier Premier ministre, Fayez Tarawneh, qualifié de «conservateur». «La nomination de M.Tarawneh et la composition de son gouvernement montrent qu'il n'y a aucune volonté de réforme», estimait récemment Hamzeh Mansour, le dirigeant du Front de l'action islamique (FAI), bras politique des Frères musulmans. «Nous ne souhaitons pas des élections pour le plaisir d'avoir des élections. Le précédent scrutin a abouti à des députés qui ne représentent pas le peuple», a souligné pour sa part Zaki Bani Rsheid, numéro deux des Frères musulmans. Les islamistes avaient boycotté les élections en 2010 pour protester contre le système électoral qui privilégie selon eux les régions rurales, considérées comme loyales au gouvernement, dont les partisans dominent le Parlement. «Toutes ces mesures de soi disant réformes sont marginales. Elle sont bien loin de constituer un processus de démocratisation», a-t-il ajouté. Le FAI avait rejeté début avril le projet de loi électorale car il continue, selon lui, de favoriser l'élection de députés loyalistes non représentatifs. Le député indépendant Jamil Nemri a estimé que la mise en place d'une commission électorale était une «bonne mesure», tout en déplorant une réelle volonté de réformer. «Ils disent qu'ils veulent réformer mais ils ne font rien de concret. Ils tergiversent dans l'introduction de réelles réformes. Je crois que la loi électorale et les élections représentent le dernier test», a-t-il déclaré.