Avec la disparition de Ravi Shankjar, guru émérite de la musique et chant spirituel, les résonances d'un deuil retentissent dans les quatre coins du globe. Lui, le maître incontesté de ce courant universel autour de l'unicité d'appartenir à la divinité du Tout-Puissant. Il laisse un patrimoine aussi riche que Crésus, dans une dualité entre Hari Krishna et le soufisme. Ravi Shankar a fait une magnifique synthèse pour se confondre dans le mysticisme maghrébin du Diwan. Aujourd'hui, l'Inde, marqué par une multipolarité culturelle, fait retentir la fibre de Shankar avec une prédominance des Ghiwanes que l'on retrouve désormais dans les incantations populaires de « Ahl El Hal » (Les gens de la transe). Ces bohémiens transmettaient leur savoir par l'entremise de la poésie, du chant et du jeu théâtral. Les deux groupes se croisent dans le mysticisme, le premier dans le mouvement Hari Krishna, l'autre de Sidi Abderrahmane El Medjdoub. Au début des années 60, cinq terribles garçons vont révolutionner le chant mystique universelle, on les appelle Lemchaheb (groupe ardent). L'idée de créer un groupe a germé dans l'esprit de Larbi Batma et de Boujemiî. La rue était ravie, car emportée par le rythme et enthousiasmée par des textes qui touchaient directement les esprits. Tout le monde sentait cette opposition symbolique entre deux genres de chansons : l'une conventionnelle et statique, l'autre militante et prometteuse. Les nouvelles chansons de Lemchaheb avaient pour titres : « Ya bani l insân », « Ahl el hal »... par son approche insolite qui reflétait un haut degré de spiritualité. Par apposition à Vishnou, le groupe est resté dans le strict respect des louanges prophétiques en s'inscrivant dans un mouvement réactionnaire contre l'idolâtrie. Ils ne pouvaient soupçonner ce que leur prestation allait réveiller en un public avide de renouveau, par leurs habits de scène, par les instruments traditionnels utilisés et par leur touchante faculté à saisir les malaises ambiants. Ils devinrent par la suite la voix des opprimés, des contestataires étudiants mais aussi d'une certaine intelligentsia de gauche. A une époque où une simple déclaration conduisait au cachot, ils dénonçaient via leurs chants la corruption... L'idée était simple : sur le plan musical, le groupe s'est révélé rapidement plus percutant. De même, les phrases musicales sont simples et faciles à répéter, car elles se réfèrent à des schémas connus du public. Ils ont faits la synthèse musicale entre le style aroubi et gnawi dans une âme fortement imprégnée d'une fibre hindoue. Le tout associé à des rythmes vigoureux invitant à la transe salvatrice, imprégnés d'un souci mélodique certain. Ils retrouvent ainsi le chemin du mysticisme tragique et révolté, ils développent le souvenir et forcent l'inspiration à partir de la hadra et du hâl. Un hâl désacralisé et porté en dehors de la zaouïa vers la scène afin d'embrasser d'autres thèmes sociaux et politiques.