Une succession de théories, s'enchaînant en chapitres, nous sont données expliquant une musique accédant au fil des siècles notre mémoire collective. En première partie et comme prélude, Safir Al Boudali, dans « La musique classique algérienne » revient sur le cheminement réalisé par ces chants éternels nés dans les terres d'Andalousie musulmane, pour venir s'ancrer sur cette rive Sud de la Méditerranée. C'est la ville de Tlemcen qui au XIIIe siècle récolta le trésor musical andalou avec les premiers exilés venus de Cordoue. D'autres villes algériennes se partageront le don providentiel des « noubates », entre autres Oran, Alger, Annaba et Constantine. Il va de soi que le Maroc et la Tunisie n'ont pas échappé à l'admiration et à l'emprise d'un si bel et royal genre musical. « Chaque pays maghrébin, chaque région l'a marqué de son tempérament, de son sceau particulier... ». Et c'est à travers cette musique savante qu'a pris racine « le vaste champ de la musique populaire citadine » à savoir le hawzi, l'aâroubi, le chaabi, le r'hawi et les qadria. Les parties suivantes apportent leurs lots de connaissances sur la musique classique algérienne. Mahmoud Guettat tout en rappelant que le genre andalou était privilégié par les milieux favorisés, il n'en demeure pas moins que cet héritage est entrain de se démocratiser et n'est plus réservé à l'élite. On a, là, une analyse à propos de la relation entre la nouba et le genre poétique du muwachah. Des pièces lyriques créées par « les muwachahun », mises en musique dans les noubates. La période entre les VIe et le XIIe siècle va assister à la multiplication « d'œuvres poétiques considérables » et à la pérennisation du tawchih savant dont les auteurs excellaient également dans « la poésie traditionnelle » comme « el qacida » et « el zadjal. » Il apparaît que les muwachahun détenaient une notoriété dans la société andalouse. L'étude de Mohamed-Souheil Dib sur le Hawzi, genre musical très apprécié en Algérie, serait liée à la banlieue de la cité. Ceci sur le plan de situation géographique, dès lors que le mot « hawzi » veut dire pourtour, périphérie ou pays profond. L'auteur donne un aperçu sur l'univers musical tlemcénien, où, semble-t-il, le genre hawzi a été privilégié par les mélomanes. Et d'écrire que le texte le plus ancien relevant du hawzi et de l'école classique tlemcenienne, appartient au poète Ben Msaib. Il ressort qu'à Tlemcen, la musique hawzi à une structure linguistique formée « uniquement du dialecte local tlemcénien ». Ce qui suppose que l'identité culturelle de cette partie de l'Algérie a influencé ce genre musical. Une autre ville non moins prestigieuse en musique classique algérienne : Constantine. Abdelmadjid Merdaci analyse le champ musical constantinois en faisant intervenir en premier lieu, les acteurs de l'espace artistique : « nass el ala ou aladjia » et le « mouhib », musicien au statut social plus élevé que les premiers. Revenant au hawzi, Merdaci écrit que « Les musiciens qui lui sont liés ont longtemps figuré à la marge. » La considération en cette ville savante est donnée au malouf .cependant le hawzi connaît une demande sociale de plus en plus importante, de par l'extension de la médina vers l'intérieur des terres, reléguant l'espace musical classique à l'arrière plan, du fait des ruptures culturelles induisant une nouvelle demande musicale. Les autres chapitres traitent de « La place et signification de l'orientalisme dans le patrimoine musical algérien de l'entre deux guerres » par Nadir Marouf, « Musique et nahda en Egypte » de Nidaa Mrad, « Correspondance entre la musique rurale et la musique citadine dans les hauts plateaux yéménites » de Habib Yamine et « Le cas des maqam irakiens » de Shéhérazade Hassan. Un ouvrage collectif, savant destiné aux musiciens et mélomanes. Pour le lecteur curieux du passé de cette musique classique, puisée de l'éternelle Andalousie le livre apporte des connaissances sur le plan musical. A noter que l'ouvrage est dédié à Jacques Berque un sociologue et orientaliste, né en Algérie. Il est l'auteur des traductions du Coran et de Mémoires des deux rives. Leïla Nekachtali *Le chant arabo-andalou * Sous la direction de Nadir Marouf, hommage à Jacques Berque, Editions Casbah, 200 pages, prix public : 600 DA