Invité du CCA, le photographe donne l'occasion au public parisien de vivre, par le biais de photos, une situation infligée durant la colonisation à des femmes algériennes « dévoilées » en 1960, par l'objectif de Marc Garange. Peut-il en être autrement pour ces épouses, filles et mères ayant été toujours protégées en quelque sorte du regard de l'étranger, qu'il soit algérien ou européen, que de se soumettre à une opération de recensement militaire ? Elles vont subir « ce viol » imposé par l'armée française à des fins sécuritaires. Marc Garange, jeune appelé des années 60, va devoir passer dans certaines agglomérations et « tirer le portrait » aux populations « indigènes ». Le regard des femmes algériennes plus que celui des hommes sera plus éloquent que les mots muets enfouis dans leur poitrine. Il est d'une intensité que l'on ne peut soutenir, plus de 50 ans après. L'exposition depuis la publication d'un livre réalisé par le photographe est devenue itinérante, cette fois elle pose pied au CCA. La série de portraits que nous pouvons voir de ces Algériennes de tous âges sont des physionomies qui interpellent la situation dans laquelle on les a mises. Pour certaines, c'est l'expression de contrainte, de tristesse, d'angoisse que de devoir venir se faire photographier par un soldat. Chez d'autres, on décèle de l'épouvante, de l'effroi, de la condamnation silencieuse, face à leur dignité atteinte dans leur âme et leur personne. Femmes des camps de regroupement, femmes ayant subi les sévices de la guerre, épouses, mères ou filles, elles sont les témoins d'un destin algérien dans l'adversité. Les portraits reproduisent des visages ravinés ou lisses, yeux passés au khôl ou non maquillés, pupilles noires et regard sombre et rebelle dont Garange dira : « Je l'ai reçu (leur regard) à bout portant, premier témoin de leur protestation muette, violente ». Au cours de ce recensement photographique, le soldat Garange a photographié près de 2.000 personnes au rythme de 200 par jour. A noter que pour le cinquantenaire de l'indépendance de l'Algérie, Garange est revenu en Algérie, dans les régions où il a effectué son service militaire, à la recherche des personnes qu'il a sorties de l'anonymat de la guerre de libération leur promettant par l'objectif une éternité historique et artistique.