Ennahdha semble déterminé à « écraser dans l'œuf » Nida Tounes, devenu, quelques mois après sa création, la bête noire du parti islamiste qui domine la coalition au pouvoir. Fait inquiétant chez notre voisin de l'est, qui peine à se stabiliser depuis la révolution du Jasmin : les affrontements entre partisans des deux camps se multiplient. Question : la violence arrêtera-t-elle Nida Tounes ? Dans la négative, qu'en sera-t-il à l'approche des prochaines élections présidentielles et législatives prévues en 2013 ? Caid Essebsi a annulé, samedi après midi à Djerba, un meeting qu'il devait animer devant près de 2.000 personnes. La raison ? Des centaines de manifestants, essentiellement des éléments des Ligues de protection de la révolution, du parti Ennahdha et du Congrès pour la République, ont attaqué brutalement et assiégé l'hôtel Pasino, où devait se tenir cette rencontre qui devait marquer la fin d'un deuil de 40 jours, à la suite de la mort de Lotfi Naguedh, le coordinateur de Nida Tounes, à Tataouine (Sud), battu à mort en octobre par des manifestants islamistes. Selon les médias sur place, la police n'a pas réagi. Ni pour stopper les assaillants ni pour arrêter ceux qui avaient, plus tôt le matin, pris pour cible les vitres de l'hôtel par des jets de pierres, et scandé « Dehors pourritures ». Caid Essebsi, l'ex-Premier ministre qui pointe du doigt la Ligue de protection, qualifie Ennahdha d'« un des plus grands dangers pour la sécurité du pays et des Tunisiens ». Selon lui, l'obstacle à la réunion constitue une atteinte à la liberté d'expression et un retour en arrière. « Le processus démocratique est fini ! » dit-il. Ses militants, qui n'ont dû leur salut, après un siège de quatre heures, qu'à l'armée, appelée en renfort, dénoncent, le mutisme et l'inaction des autorités compétentes et des pouvoirs publics en charge de la protection des populations, du maintien de l'ordre et du bon déroulement des manifestations démocratiques républicaines ». Comme le reste de l'opposition et une partie de la société civile, ils réclament la dissolution de cette « milice ». Le gouvernement refuse de plier. Dans sa réplique, il accuse Nida Tounès de manœuvrer pour réintégrer dans la vie politique, des membres du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), le parti du président déchu, Zine El Abidine Ben Ali. Ennahdha et le ministère de l'Intérieur, rejettent toute responsabilité. « Les accusations selon lesquelles Ennahdha serait responsable de ces violences sont totalement infondées et indignes. Ennahdha est contre la violence, quels que soient ses auteurs, contrairement à ceux qui justifient certaines violences et en condamnent d'autres », déclare Ameur Laârayedh, son porte-parole. « Les forces de l'ordre ont fait tout ce qui leur était possible de faire. Il faut rappeler que c'était une zone touristique et qu'il y avait un grand nombre de manifestants. Il était impossible, dans ces conditions, de faire usage de gaz lacrymogène », précise Khaled Tarrouche, le porte-parole du ministère de l'Intérieur. Pour les analystes, les raisons de cette opération musclée, préparée par des partis de la Troïka depuis plusieurs jours, sont toutes autres. Le parti, fondé en juillet dernier par l'ex-Premier ministre, Béji Caïd Essebsi, est, disent-ils, au coude à coude dans les intentions de vote des Tunisiens (18 à 20%). Il est surtout, loin, très loin, ajoutent-ils, des alliés du parti de Ghannouchi, le Congrès pour la République, de Moncef Marzouki, le président de la République, et Ettakatol, de Mustapha Ben Jaâfar, le président de l'Assemblée nationale constituante, qui n'auraient que 3 et 0, 9% de voix, selon tous les sondages. Autre raison et non des moindres, Caïd Essebsi est en tête des personnalités politiques les plus populaires en Tunisie. Avec 24,2% d'intention de vote, il devance Hamadi Jebali, l'actuel chef du gouvernement, (13,9%).