Salah Karker, l'un des fondateurs du Mouvement islamiste tunisien (MIT) devenu «Ennahda» Le décès de cette éminence grise du parti islamiste survient au moment où une violente polémique oppose l'ex-Premier ministre tunisien, Béji Caid Essebsi, aux partisans du parti Salah Karker, un des co-fondateurs du Mouvement de la tendance islamiste (MIT) devenu Ennahda, le parti islamiste au pouvoir en Tunisie, est mort à l'âge de 63 ans, a annoncé le chef de cette formation Rached Ghannouchi sur sa page Facebook dans la nuit de jeudi à vendredi. M.Karker souffrait de graves séquelles dues à un accident cérébral survenu en 2005, alors qu'il vivait en exil en France pour échapper à la répression contre Ennahda orchestrée par le régime du président déchu Zine El Abidine Ben Ali. Il était rentré en Tunisie après la révolution de janvier 2011. Son parti a été porté au pouvoir il y a un an, à l'issue de l'élection de l'Assemblée nationale constituante (ANC). M.Karker -condamné à mort à l'époque du père de l'indépendance Habib Bourguiba - avait obtenu l'asile politique en France à la fin des années 1980. En 1993, Paris avait émis un arrêté d'expulsion vers la Tunisie, mais, faute de pouvoir l'exécuter en raison de son statut de réfugié politique, la justice tunisienne l'avait assigné à résidence, une décision qui ne sera levée qu'avec la chute de Ben Ali. Le MIT, fondé en 1981 notamment par MM.Ghannouchi et Karker en opposition à la politique laïque du régime de Bourguiba, était devenu en 1989 Ennahda. Réprimé par Bourguiba, Ennahda est d'abord toléré par son successeur Ben Ali puis impitoyablement combattu après les législatives de 1989 où les listes soutenues par la formation islamiste réalisent une percée. Environ 30.000 militants et sympathisants islamistes ont été victimes de cette répression. Des centaines d'entre eux ont été lourdement condamnés dans des procès iniques et d'autres contraints à l'exil. Toutefois, cette mort survient en pleine polémique entretenue par l'ex-Premier ministre tunisien et chef du parti d'opposition Nidaa Tounès qui a dénoncé hier le «premier assassinat politique depuis la révolution» après la mort d'un représentant de son mouvement lors de violences dans le sud du pays, évoquant la responsabilité des islamistes. «C'est le premier assassinat politique depuis la révolution et il touche notre parti, Nidaa Tounès», a dit à la radio Mosaïque FM Beji Caïd Essebsi, adversaire juré des islamistes d'Ennahda qui dirigent la coalition au pouvoir. M.Essebsi a accusé Ennahda et son allié de centre-gauche, le Congrès pour la République (CPR) du président Moncef Marzouki, d'être responsables de la manifestation qui a dégénéré en violences jeudi. Il a ensuite répété ces déclarations lors d'une conférence de presse à Tunis et a parlé d' «un lynchage», montrant une vidéo où l'on voit une personne présentée comme la victime traînée au sol et frappée par une foule. Le coordinateur de Nidaa Tounès à Tataouine (sud), Lofti Naguedh, est mort jeudi en marge d'affrontements entre ses partisans et des manifestants considérés comme proches d'Ennahda. La date de son enterrement n'a pas été fixée, son corps ayant été transporté à Tunis hier où une autopsie doit avoir lieu, selon M. Essebsi. Le ministère de l'Intérieur a affirmé qu'il avait succombé à un infarctus, alors que les opposants disent qu'il est mort après avoir été battu par les manifestants de la Ligue de protection de la révolution, une organisation proche des islamistes au pouvoir. Le docteur Moncef Dorza de l'hôpital de Tataouine, interrogé sur l'antenne locale de la radio publique, n'a pas voulu trancher sur les causes du décès. «Lorsqu'il est arrivé, il était dans un coma ou un pré-coma», a-t-il dit à Radio Tataouine, «il était près de la mort et nous n'avions pas le temps pour des examens approfondis et voir s'il y avait des blessures externes». Ennahda a de son côté accusé dans un communiqué diffusé jeudi soir les partisans de Nidaa Tounès d'avoir provoqué les violences en jetant des cocktails molotov sur les manifestants. Les islamistes ont «présenté des condoléances» à la famille du défunt et demandé «ne enquête judiciaire pour déterminer les causes et circonstances» des violences et du décès. M.Essebsi, deuxième Premier ministre de transition après la révolution de 2011 qui a renversé le président Zine El Abidine Ben Ali, a fondé son parti cet été et connaît, selon des sondages, une popularité croissante. La coalition au pouvoir accuse le mouvement de rassembler des tenants du président déchu.