Les temps sont durs pour la nouvelle Libye qui reste confrontée aux défis colossaux de l'instabilité et de l'insécurité. La montée en puissance des salafiste, coupables, ces derniers mois, de nombreuses attaques et d'une vague d'assassinats visant notamment des officiers de l'armée, et la loi d'airain des milices régnant en maîtres suscitent les pires inquiétudes sur l'issue chaotique d'une révolution inachevée. Sous le slogan évocateur « Benghazi ne va pas mourir », une manifestation, survolée par des hélicoptères et des avions de chasse, a été organisée, vendredi dernier, dans une ville bunkérisée et étroitement surveillée par l'armée déployée une semaine plus tôt. Quelque 2 000 personnes ont ainsi défilé dans les rues de Benghazi pour exiger la dissolution des milices et leur intégration dans les forces de sécurité. L'équation est rendue d'autant plus difficile que les anciens chefs et combattants de la rébellion, qui ont refusé de rejoindre les appareils sécuritaires de l'Etat, posent le préalable de la purge des caciques de l'ancien régime, prévue par la nouvelle loi adoptée, à une courte majorité (125 sur 200), par le Congrès national général (CNG). Sera-t-elle suffisante pour accélérer le processus d'intégration ? Cette revendication se renforce par le discrédit qui entoure le règne contesté des milices accusées des pratiques de torture et des sévices dignes de l'ère Kadhafi, dénoncées par les réseaux sociaux. « Ceci n'est pas ma révolution », s'insurge une jeune étudiante en médecine à Tripoli, publiant une vidéo de torture à Zwara. « Beaucoup disent que ce genre d'agissements est normal dans une période de transition. Mais, nous sommes presque deux ans après la révolution, il est temps que les choses changent. Nous n'avons pas fait cette révolution pour retomber dans la torture ou pour donner carte blanche aux miliciens », écrit-elle dans son blog. Le scepticisme grandissant est alimenté par le poids et la place prédominante des milices surarmées et échappant à tout contrôle. Le pari de la stabilité n'est pas de tout repos. Il est néanmoins entrepris, en dépit de l'échec du CNT, par les nouvelles autorités du CNG qui s'attaquent aux dossiers brûlants de la transition. Dans une déclaration, faite, mardi, à l'agence d'information libyenne, le porte-parole du ministère de l'Intérieur, Moujdi El-Arfi, a annoncé, en coordination avec l'état-major général des armées, des chefs religieux et de la société civile, l'élaboration d'un plan de retrait des armes lourdes et de dissolution des groupes armés. Serait-ce enfin le bout du tunnel ?