Après les attaques contre les sièges des milices à Benghazi à la faveur d'une manifestation à l'évidence tellement bien «orientée» qu'elle n'a pas épargné les groupes «légitimes», les dirigeants libyens veulent battre le fer pendant qu'il est chaud. Ils ont décidé de mettre au pas les milices qui contestent, de facto, leur pouvoir. Les milices «illégitimes» sont sommées de faire place nette et pas seulement à Benghazi. A Tripoli aussi où l'armée a donné 48 heures aux milices et aux groupes armés autonomes pour déguerpir des bases qu'ils occupent. La «bataille des milices» qui a démarré par une manifestation «orientée» pour ne pas dire «manipulée» à Benghazi a pris désormais une tournure plus politique. C'est le président en personne qui mène la bataille dont l'issue est incertaine. Une certitude : l'attaque contre le consulat américain de Benghazi qui a coûté la vie à l'ambassadeur américain et à trois fonctionnaires a constitué un tournant. La mise au pas des milices - en attendant le désarmement des gens, ce qui est une autre paire de manches - est devenue une priorité après la colère américaine contre les nouveaux pouvoirs issus du «printemps arabe». Le problème des milices, dont les éléments se comportent en «anciens combattants», «en gardiens de la révolution» ou, plus prosaïquement, veulent être intégrés dans l'armée ou la police, ne date pas d'aujourd'hui. L'ex-Conseil national de transition (CNT) en avait fait une priorité sans que les choses ne changent sur le terrain. La question des milices était clairement identifiée comme un des problèmes les plus importants pour le nouveau pouvoir, leur permanence constituant une contestation du principe du «monopole légitime de la violence» de l'Etat. LE TOP DEPART DE BENGHAZI L'attaque contre le consulat américain, une opération «planifiée» selon les responsables US, a donc finalement décidé le nouveau pouvoir élu de s'y attaquer. L'insistance des Américains y est probablement pour beaucoup. Les attaques contre les bases de miliciens, dont certaines «légitimes», ont fait 11 morts et des dizaines de blessés à Benghazi. Six membres des forces de sécurité figurent parmi les tués. Les autorités ont décidé de nommer un juge pour enquêter sur ces violences, a indiqué M. Megaryef, mais on ne saura probablement jamais de manière précise qui a orienté les foules de Benghazi vers l'attaque des milices, mais les événements de Benghazi constituent bien un top départ. C'est devenu l'ordre du jour général du président libyen, Mohammed el-Megaryef, qui a ordonné le démantèlement des milices «illégitimes». Le président libyen a indiqué qu'une salle des d'opérations conjointes à Benghazi assurerait la coordination entre les différentes milices autorisées et l'armée. Les autres groupes opérant en dehors de «la légitimité de l'Etat» seront démantelés, a-t-il averti. DES MILICES ET DES ARMES L'armée libyenne qui avait dû reculer dans le passé face aux milices à Tripoli a décidé de passer à l'offensive. Hier, les militaires ont désarmé et arrêté des miliciens qui occupaient un poste sur la route de l'aéroport de Tripoli. A Derna, les milices islamistes, Abou Slim et Ançar al Charia, ont annoncé leur autodissolution et l'évacuation des bases militaires. L'armée veut accentuer le mouvement en fixant un ultimatum aux milices à Tripoli. Elle a ordonné «à tous les individus et groupes armés occupant des complexes militaires, des bâtiments publics ou des propriétés appartenant à des membres de l'ancien régime, d'évacuer ces sites dans les quarante-huit heures». Tout refus d'obtempérer amènera l'armée à recourir à la force, indique l'agence libyenne Lana. Cette opération anti-milices «illégitimes» aura-t-elle un effet sérieux ? Les milices «illégitimes» ont peut-être commencé à quitter les casernes et les lieux publics qu'elles occupaient, certaines se sont «auto-dissoutes», mais on n'a pas d'indication que les membres qui la composaient ont remis leurs armes. Les milices «illégales» sont en position de faiblesse apparente, il reste à attendre de voir ce qu'elles feront. Mais le problème en Libye ne se limite pas aux milices, il réside aussi dans le fait que de très nombreux Libyens se sont armés. Et beaucoup, en ces temps incertains, ne sont pas prêts à renoncer à leurs armes.