Ils sont au sein de nos familles, autour de nous pour nous rappeler, à chaque instant, la complexité de leur prise en charge, si prise en charge il y a. Eux, ce sont les malades souffrant de troubles mentaux. La raison souvent invoquée par le personnel soignant est le manque de places dans les hôpitaux. Cela dénote que notre pays demeure à la traîne dans la prise en charge de la maladie mentale et le développement des structures spécialisées. A l'occasion de la célébration de la journée mondiale de la santé mentale, le 10 octobre de chaque année, les spécialistes en psychiatrie avaient insisté sur la nécessité d'adopter un plan d'urgence national pour la prise en charge des malades atteints de troubles mentaux dont le nombre a augmenté de façon remarquable au cours des dix dernières années. Puisqu'on enregistre moins de 300 lits pour près de 80.000 patients, dans les deux services de psychiatrie que compte Alger. Si on se penche sur les chiffres communiqués et le stress omniprésent dans la vie quotidienne provenant de trois situations, à savoir : les catastrophes naturelles ou artificielles comme les guerres ou des évènements qui surviennent au cours de l'existence (la mort d'un proche, la maladie, la perte de travail, le deuil, l'endettement) ou encore les petits tracas de tous les jours (les embouteillages, les files d'attente dans les mairies, les disputes et les nuisances sonores), la création de nouvelles structures spécialisées s'avère un besoin pressant et une priorité à combler. D'autant que, de l'avis même des spécialistes, « plus de 500.000 jeunes Algériens souffrent de schizophrénie. Une maladie qui touche généralement des jeunes âgés entre 17 et 25 ans ». Pour le professeur Kacha, psychiatre, chef de service à l'hôpital de Chéraga, « la solution ne consiste pas uniquement dans la programmation des projets de réalisation des hôpitaux psychiatriques en Algérie. Il faut adopter un plan national de la santé psychique assurant une prise en charge totale des patients ». Aujourd'hui, l'Algérie dispose de 16 établissements hospitaliers spécialisés en psychiatrie (EHS) ainsi que 30 services de psychiatrie dans les établissements publics hospitaliers. Le Pr Kacha affirme que la prise en charge des malades mentaux est soumise à des lois car « la psychiatrie est une spécialité médicale tout à fait originale. C'est l'une des spécialités les plus récentes puisque son autonomie ne date que d'une quarantaine d'années, c'est la seule spécialité liée étroitement à la loi car la dangerosité et l'incapacité de prendre conscience de la maladie nécessitent parfois le recours à cette loi, pour hospitaliser un patient contre sa volonté », fera-t-il savoir. Il ne manquera pas de signaler la difficulté vécue par les malades car « les patients sont debout et non pas couchés dans un lit et donc ils doivent être surveillés, occupés et, parfois, pendant un court moment enfermés ». Pour ce qui est des capacités d'accueil, le chef de service de l'hôpital de Chéraga dira : « Il y a dans notre pays un peu plus de 5.000 lits de psychiatrie et 700 psychiatres. Mais il faut savoir qu'il existe actuellement un programme de réalisation de plusieurs hôpitaux à Bejaia, Laghouat, Ghardaïa, Boumerdès, Tipaza, Sour El Ghozlane et Tlemcen. Par ailleurs, ces nouveaux hôpitaux possèdent tous des services pour enfants et pour adolescents ». Pour ce qui est de la formation du personnel, le ministère de la Santé forme chaque année une centaine de psychiatres dont la moitié ouvrent un cabinet. D'autres problèmes subsistent actuellement et sont de trois ordres, d'après le Pr Kacha. Il s'agit de « l'insuffisance des autres professionnels de la santé mentale et le manque des infirmiers en psychiatrie, laissant les services en difficulté permanente. Les psychologues ne sont pas suffisamment formés pour la prise en charge des malades, il faudrait une formation pratique en psychopathologie qui doit se faire pendant deux années, au minimum, dans un service de psychiatrie ». Cela, expliquera le Pr Kacha, en sus de la « mauvaise organisation des secteurs de psychiatrie. Pas de coordinateur, ni au niveau national ni au niveau régional, pas de cahier des charges des équipes et pas de formation continue organisée ». Enfin, les lois sur la santé mentale ne sont pas appliquées faute de circulaires d'application et d'organisation des structures. Aussi, l'enseignement de la spécialité n'a pas été revu depuis des décennies. C'est la seule spécialité médicale qui compte encore un programme de 3 années alors que toutes les autres exigent 4 ou 5 années de formation. La formation doit tenir compte des nouvelles perspectives : psychiatrie de l'enfant, de l'adolescent, des personnes âgées, des personnes dépendantes des drogues.