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Entretien avec le professeur Farid Kacha, chef du service hospitalo universitaire de psychiatrie de Ch�raga : �Psychiatrie, sant� mentale et soci�t� en Alg�rie� �(3e partie et fin)
�Il n�existe pas de politique de sant� mentale en Alg�rie, probablement, parce que les responsables successifs du secteur ont �t� rebut�s par cette pathologie qui leur renvoie l�image d�une souffrance humaine sur laquelle ils n�ont gu�re de prise�� Pour une politique de sant� mentale en Alg�rie Peut-on parler de l�existence d�une politique de sant� mentale en Alg�rie ? Nullement, malgr� de louables tentatives effectu�es ant�rieurement. C�est � croire que la discipline n�int�resse pas les pouvoirs publics ou, du moins, ne les interpelle pas assez fort. Comment, selon vous, devrait s��laborer cette politique mentale dont vous ne cessez de d�crier l�absence ? La politique de sant� mentale, selon son intitul�, c�est, d�abord, l�expression de choix politiques qui sont du ressort du Gouvernement. La mission de r�flexion puis les t�ches d�ex�cution peuvent �tre confi�es � d�autres acteurs que le Gouvernement : praticiens, universitaires, mouvement associatif et experts internationaux. La responsabilit� qui consiste � ent�riner les objectifs vis�s et � choisir entre les hypoth�ses de travail examin�es c�est la responsabilit� du Gouvernement. Pour m�moire, je rappelle que j�ai �t�, une p�riode donn�e, responsable du bureau de l�hygi�ne mentale au Minist�re de la Sant�, dissous depuis. Apr�s le professeur Bakiri, qui en 1968 si je ne m�abuse, avait �labor� un plan de d�veloppement de la sant� mentale, j�ai eu � entreprendre, quasiment, la m�me t�che en 1984 avec, �videmment, actualisation des donn�es de base et adaptation des m�thodes en fonction de l��volution de la psychiatrie. Ces programmes n�ont pas �t� ex�cut�s. Il est probable que les Ministres successifs, interpell�s par l�urgence et accapar�s par d�autres priorit�s, n�ont pas accord�s l�attention requise � la sant� mentale de la population. Il est probable que les responsables successifs du secteur ont �t� rebut�s par cette pathologie qui leur renvoie l�image d�une souffrance humaine sur laquelle ils n�ont gu�re de prise. Les activit�s de psychiatrie sont-elles convenablement encadr�es par la loi ? En th�orie. Voil� un autre domaine o� l�Alg�rie est en panne. La derni�re loi de sant� mentale promulgu�e remonte � 1985. Elle attend, � ce jour, ses d�crets d�application. D�j� une nouvelle loi est � l��tude sans que les deux pr�c�dentes n�aient �t� appliqu�es, ni, � fortiori, �valu�es. Un cadre l�gislatif est, pourtant, indispensable pour l�activit� psychiatrique. En quoi ce cadre l�gislatif est essentiel pour les activit�s de psychiatrie ? Le cadre l�gislatif est indispensable pour l�activit� psychiatrique. C�est une n�cessit� absolue car c�est la seule sp�cialit� m�dicale o� les malades qui perdent leur capacit� de jugement peuvent adopter des comportements violents ou h�t�ro agressifs. C�est la seule discipline m�dicale o� il peut �tre prescrit l�hospitalisation du patient m�me contre son avis. Actuellement, les malades sont enferm�s en dehors de la loi. Ceux qui sont adress�s � l�h�pital apr�s un acte d�lictueux ne sont suivis ni par le juge qui les a intern� ni par l�autorit� administrative qui a requis l�internement. Les commissions de recours pr�vues par la loi ne sont toujours pas en place, vingt cinq ann�es apr�s. Cette carence n�est pas, simplement, le fruit d�une omission. Cette carence refl�te, malheureusement, l�incapacit� actuelle des pouvoirs publics � organiser les institutions pour les mettre en accord avec la loi. L�enfermement forc� des patients et les mauvais s�vices � leur encontre ont-ils cours, encore, dans les services hospitaliers psychiatriques en Alg�rie ? Si c�est de mani�re occasionnelle, je ne l�exclu pas. De mani�re institutionnelle, nous en sommes, cependant, � la psychiatrie moderne. M�me si les anomalies que vous signalez existaient, l�explication serait � rechercher, non pas dans la volont� mal�fique des soignants, mais, surtout, dans la mauvaise formation des infirmiers. Sachez, � cet �gard, que l�enfermement abusif est limit�, de mani�re objective, par l�absence de places disponibles. Sachez aussi, nonobstant la disponibilit� de places, que, faute de dispositif l�gislatif appropri�, l�enfermement d�un patient, m�me sur prescription m�dicale, se d�roule, actuellement, en dehors du cadre l�gal strict. A propos d�enfermement, vous conviendrez que l�expert psychiatre, en l�absence de cadre juridique contraignant, dispose d�un v�ritable pouvoir de vie ou de mort sur les personnes. Comment agit l�expert psychiatre dans le contexte alg�rien ? L�expertise psychiatrique est une activit� d�investigation entreprise en dehors de toute finalit� de soins. L�expertise judiciaire permet au juge de prendre l�avis d�un homme de l�art � l�occasion d�un probl�me auquel il est confront� professionnellement et qu�il ne peut r�soudre lui-m�me. En mati�re p�nale, apr�s un acte d�lictueux, le juge demande une expertise pour appr�cier la responsabilit� enti�re ou partielle du pr�venu au moment des faits. C�est une pratique lourde de cons�quences car c�est toujours un diagnostic r�trospectif qui est demand�. L�expert doit appr�cier l��tat du pr�venu au moment du d�roulement de l�infraction, or, parfois, l�expertise intervient des mois apr�s l�acte d�lictueux. Exercice d�autant plus p�rilleux que l�expert, simple auxiliaire temporaire de la justice, ne doit pas se substituer au juge. L�avis qu�il propose n�engage pas, au demeurant, le juge qui reste seul responsable de sa d�cision. En mati�re civile, l�expertise est destin�e � permettre, seulement, l�appr�ciation d�un dommage ou des s�quelles subies par la victime. L�expertise psychiatrique n�est pas, cependant, r�serv�e au seul pouvoir judiciaire. La fonction publique, les services de la s�ret� nationale, de s�curit� sociale, l�arm�e elle-m�me ont recours � l�expertise psychiatrique. Dans le cadre, notamment d�enqu�tes relatives � une aptitude � l�emploi, une attribution de pension ou de cong� maladie de longue dur�e. Le cadre juridique est, en effet, important. La responsabilit� et l�irresponsabilit� p�nale est, de toute �vidence, un probl�me complexe. Il se trouve que le cadre juridique qui devrait r�gir l�expertise psychiatrique est, quasiment, inexistant. Ce ne sont pas, seulement, les lois et r�glements qui manquent. Il s�agit aussi de formation adapt�e au m�tier d�expert. Un psychiatre n�est pas, sui generis, expert psychiatre. Cette formation est, par exemple, institutionnalis�e dans les pays d�velopp�s. Il s�agit aussi de contr�le moral et technique de la profession. L�expert, a fortiori l�expert psychiatre, ne peut pas �tre livr� � lui-m�me. Dans certains pays d�velopp�s, la solution a consist� en l�introduction de l�expertise contradictoire. L�expert psychiatre disposant, comme vous le dites si bien, du droit de vie ou de mort, un contre-avis constitue la moindre des pr�cautions. Vous aviez �t� commis pour examiner le Lieutenant Bouma�rafi auteur de l�assassinat du Pr�sident Mohamed Boudiaf ? J�ai �t� effectivement constitu� par la commission d�enqu�te sur l�assassinat du pr�sident Mohamed Boudiaf en Ao�t 1992. La commission m�a laiss� la libert� de faire appel �ventuellement � d�autres experts de toutes nationalit�s. J�avais propos� deux coll�gues maghr�bins, les Professeurs S. Douki de Tunis et D. Moussaoui de Casablanca. J�avais tout de suite compris que la cr�dibilit� de la mission n�cessitait son accomplissement par trois experts au moins. Naturellement, le choix d�experts maghr�bins n��tait pas le fruit d�un hasard. La culture et la langue de ces coll�gues �taient d�une importance capitale pour le bon accomplissement de la mission d�expertise. Dois-je signaler que j�ai �galement particip� � l�expertise des prisonniers am�ricains en Iran, lib�r�s gr�ce � la m�diation de notre pays ? Tenons en nous au cas de l�assassin du Pr�sident Boudiaf. Quelle a �t� la conclusion � laquelle a abouti votre expertise ? La conclusion a �t� rapport�e � l��poque par les journaux. Il a �t� jug� responsable de ses actes. Revenons � la prise en charge par l�Etat des pathologies psychiatriques lourdes. C�est, selon vous, la premi�re priorit� ? Absolument. L�Etat doit, imp�rativement, s�occuper de la pathologie psychiatrique lourde. L�Etat doit prendre en charge la souffrance individuelle, familiale et sociale que cette pathologie provoque. Je pr�vois que la pression sociale va s�exercer sur le champ politique jusqu�� obliger les pouvoirs publics � trouver une solution au d�sordre social provoqu� par les maladies mentales. Nous allons retrouver ces malades dans les rues avec tous les d�sagr�ments qui en r�sultent. L��volution de leur affection et leur d�socialisation rendra leur prise en charge extr�mement difficile. Il vaut mieux pr�venir que gu�rir. Il s�agit l� d�un v�ritable d�fi de sant� publique� Quelles sont les actions imm�diates � entreprendre ? Il s�agit de r�pondre � l�urgence psychiatrique pour �viter les rechutes de psychoses chroniques. Les projets actuels de cr�ation de services de psychiatrie et de centres interm�diaires de sant� mentale, sont suppos�s r�pondre � cette priorit�. Il manque le travail pr�alable de planification, de coordination pour d�finir les objectifs pr�cis � ces structures. Il manque la garantie que l�encadrement m�dical et les moyens techniques n�cessaires seront mis en place d�s l�ouverture de ces espaces de prise en charge des urgences psychiatriques. Dans cette perspective, il serait utile de sp�cialiser les m�decins g�n�ralistes, dont bon nombre sont au ch�mage, pour qu�ils participent � la prise en charge des patients pr�sentant des affections psychiatriques chroniques. Mais, je n�ai cess� de r�p�ter, il est indispensable de commencer par le commencement. C'est-�-dire mobiliser les six cent psychiatres, actuels , les sensibiliser � ce d�fi de sant� mentale � travers des conf�rences de consensus , puis en faire une force de frappe dans la prise en charge des patients qui pr�sentent les maladies les plus graves ,notamment la schizophr�nie et la parano�a. Finalement, vous appelez � la tenue d�Etats G�n�raux de la psychiatrie ? De v�ritables Etats G�n�raux de la psychiatrie, pas une kermesse sans lendemain ! Partie : La consolidation des �tudes de psychiatrie en Alg�rie Vous �voquez la r�forme n�cessaire du programme de l�enseignement de psychiatrie, alors que certains de vos confr�res vous reprochent d�avoir impos� cette classification am�ricaine qui aurait infantilis� la psychiatrie qui aurait �t� r�duite � des recettes m�caniques. Que dites-vous pour votre d�fense ? La classification am�ricaine n�a pas attendu le Professeur Kacha pour s�imposer � l�OMS et � l�activit� psychiatrique dans le monde entier. Quant � la psychiatrie r�duite � des recettes m�caniques, soyons s�rieux ! De quoi s�agit-il ? Auparavant, chaque pays, notamment en Europe Occidentale, avait sa propre classification nationale des maladies mentales. Dans un souci de normalisation, l�OMS a propos� une classification internationale appel�e CIM (Classification Internationale de Maladie). En 1980, l�Association des Psychiatres Am�ricains, l�APA, change sa classification en imposant l�exclusion des troubles du tableau des pathologies psychiatriques. Ces psychiatres am�ricains consid�rent, jusqu�� preuve du contraire, que les causes des troubles n��tant pas identifi�es, il convient de les ignorer. Ainsi, les n�vroses disparaissent de la classification am�ricaine qui se veut ath�orique. La nosographie am�ricaine, type DSM est �tablie par rapport � des crit�res qui se veulent objectifs. Il s�agit de l�existence v�rifi�e de l�existence d�un trouble chronique, de la nature de la personnalit� de base du patient, de la maladie biologique �tablie, le cas �ch�ant, de la d�finition du statut psychosocial du patient et, enfin, de sa capacit� d�adaptation � la vie sociale. Cette nosographie s�est impos�e, progressivement, au monde entier et � l�OMS. N�oubliez pas que dans les congr�s mondiaux de psychiatrie, sur dix mille participants, six mille sont Am�ricains. Bref, le DSM IV et la CIM 10 tendent � se rejoindre. Il existe un avantage � cette nosographie. Elle pr�sente une commodit� certaine pour l�analyse. Elle repose, aussi, des crit�res pr�cis de classification. Cette condition est fondamentale pour les recherches en neuroscience. Les psychiatres am�ricains pr�cisent, n�anmoins, que leur d�marche, loin d��tre doctrinale, est pragmatique, plut�t. C�est une solution transitoire, jusqu�� d�finition plus op�ratoire des n�vroses. Avant d�aborder la r�forme du programme d�enseignement de la psychiatrie, peut-on �voquer le contentieux qui oppose psychiatres et psychologues ? Il vous est reproch� par ces derniers d�avoir ferm� les portes d�acc�s de la profession aux psychologues et d�avoir contribu� � couper les ponts entre psychiatrie et psychopathologie. Cette all�gation vous parait fond�e ? Les rapports entre psychologues cliniciens et psychiatres posent, en effet, probl�me. Ils gagneraient, incontestablement, � �tre am�lior�s. Il faudrait, probablement, �vacuer, rapidement, le conflit de leadership qui semble opposer psychiatres et psychologues. Je ne vois pas un psychologue venir diriger un service hospitalier de psychiatrie m�me s�il peut procurer un apport essentiel � son activit�. De m�me, je ne vois pas un psychiatre, aussi performant soit-il, aller se substituer au professeur de psychologie � l�universit�. Sur quoi porte le contentieux ? Sur le rapport compl�mentarit� op�rationnelle entre psychiatrie hospitali�re et psychologie clinique. Il est anormal que des psychologues cliniciens ach�vent leur formation universitaire sans avoir subis un vrai stage hospitalier. Un vrai stage hospitalier, c�est n�cessairement un programme con�u et mis en �uvre en concertation avec les chefs de service psychiatriques. Pour �tre aux normes internationales, ce stage devrait durer deux ann�es et se d�rouler, naturellement, dans un service psychiatrique hospitalier. C�est le cas aux USA comme au Canada. A l�inverse, je vois parfaitement la possibilit� pour les professeurs de psychiatrie d�aller dispenser des cours sur des th�mes pointus au sein des instituts de psychologie � l�universit�. Il existe, en d�finitive, un probl�me d�arbitrage avec d�limitation des responsabilit�s et d�finition des moyens de mise en �uvre. Cela rel�ve du pouvoir de l�autorit� publique. D�s lors, que cet arbitrage aura �t� rendu, les facult�s de sciences humaines et de m�decine auraient � signer des conventions pour l�application des mesures arr�t�es. Dans tous les cas de figure, le but recherch� c�est une meilleure prise en charge du malade mental. Il faut mettre fin � la perversion actuelle des rapports entre psychologie et sant� mentale. Il existe, en effet, des centaines de psychologues dans les services de m�decine somatique mais pas de psychologues en psychiatrie. Lorsqu�un service de psychiatrie recrute, actuellement, un psychologue, il lui est impossible de l�utiliser avant deux ann�es environ. Et pour cause, ce psychologue n�a pas �t� form� � conna�tre, de mani�re op�ratoire, de la pathologie mentale. Comment pourrait-il prendre en charge, correctement, des patients pr�sentant des maladies somatiques ? Venons-en � la r�forme des �tudes de psychiatrie que vous envisagez. C�est sur la base d�un constat p�dagogique ou de l�observation d�une inadaptation av�r�e au terrain ? Sur quoi porte, de mani�re fondamentale, la r�forme de programme envisag� ? La r�vision projet�e est le r�sultat des deux constats, p�dagogique et op�rationnel. Il existe, en effet, un comit� p�dagogique national de psychiatrie qui regroupe tous les chefs de services psychiatriques hospitaliers. Ces chefs de service qui enseignent � l�universit� et pratiquent la psychiatrie � l�h�pital peuvent �mettre un avis fond�, sur le plan th�orique comme sur le plan pratique. C�est ce comit� qui, sous l�autorit� du Ministre de l�Enseignement Sup�rieur, d�lib�re pour les programmes d�enseignement. C�est, pr�cis�ment, ce comit� qui, depuis quelques temps d�j�, a recommand� la r�vision du programme de formation des psychanalystes. Par rapport � la dur�e des �tudes jug�e insuffisante. Trois ans actuellement alors qu�elle est de cinq ans en Suisse, par exemple. Par rapport � l�intitul� des enseignements qui doivent correspondre � la nouvelle classification nosographique officiellement adopt�e en Alg�rie, la CIM 10. Par rapport, enfin, � la n�cessit� d�introduire de nouvelles mati�res jusque l� inconnues, telles les neurosciences. Il faut pr�ciser que le projet est � l��tat d�intention au niveau du comit� p�dagogique national. Mais il est vrai que les services psychiatriques hospitaliers confront�s � la n�cessit� et � l�urgence ont d�j� adapt�s, dans les faits, de nombreux aspects du programme de formation dont la qualit� ne souffre pas de carence grave. Est-ce que la communaut� des psychiatres en Alg�rie est organis�e? Il existe plusieurs soci�t�s savantes. Je suis, personnellement, Pr�sident de la Soci�t� alg�rienne de Psychiatrie. Le plus int�ressant dans l�activit� de cette association se rapporte aux liens �tablis avec le mouvement associatif, telles l�Association la Ruche, l�Association des Parents Autistes, l�Association de Th�rapie Familiale et l�Association pour la Pr�vention de la Violence. Nous avons cr�e ces associations en les poussant � �voluer, en symbiose, au sein de la soci�t�. Nous organisons chaque ann�e plusieurs congr�s nationaux et internationaux autour de sujets d�actualit� � mai 2008 � Oran sur la toxicomanie et les addictions � octobre 2008 th�rapie familiale- janvier 2009 les urgences psychiatriques et nous pr�voyons pour mai 2009 � l�Aurassi un congr�s sur le r�le de la famille. Nous �ditons une revue trimestrielle de psychiatrie, la seule au Maghreb intitul�e �Le lien psy� destin�e � tous les soignants. Mon v�u serait que tout en se multipliant, ces Associations de psychiatres arrivent � f�d�rer leur action pour la rendre plus efficace. Il existe toujours autant de postulants au m�tier de psychiatre ? Il existe de plus en plus de candidats � la sp�cialit� de psychiatre. Comme, cependant, la pr�dominance dans les effectifs de r�sidents en m�decine penche vers la gente f�minine, le m�tier de psychiatre tend lui aussi � se f�miniser. Vous ne pouvez pas faire de constat n�gatif sur l�enseignement de la psychiatrie sans �voquer l�activit� de recherche en elle-m�me. Pouvez-vous me citer le cas d�une �quipe de recherche pluridisciplinaire o� les psychiatres travailleraient c�te � c�te avec d�autres sp�cialistes, des neurologues mais aussi des statisticiens ou des sociologues ? Une �quipe hospitalo-universitaire coup�e de la recherche est une �quipe qui se meurt, inexorablement. Oui, Nous nous astreignons � cet effort de recherche sans lequel nous perdrions notre �me. Prenons le cas, tout d�abord, de la recherche pluridisciplinaire nationale. Nous avons entam�, juste pour l�exemple, avec des neurologues de l�h�pital A�t Idir (�quipe du Professeur A�t Kaci), une �tude intitul�e �adaptation des tests cognitifs � une population atteinte de la maladie d�Alzheimer�. Prenons le cas, ensuite, de la recherche mixte men�e avec des partenaires �trangers. Nous venons, � peine, de terminer en collaboration avec une �quipe de l�h�pital Saint Luc de Bruxelles, un programme de formation ayant pour objet �la crise en psychiatrie�. L�objet de cette formation consistait � pouvoir faire face aux urgences psychiatriques, des situations aigues susceptibles d��tre r�solues imm�diatement. Ne vous �tonnez pas, donc, si je vous disais que le potentiel de recherche existe bel et bien en Alg�rie. Les psychiatres alg�riens ont toutes les aptitudes requises pour effectuer des recherches de haute qualit�. Le fait est que la charge de travail hospitali�re li�e � des t�ches de sant� publique accapare leur temps et leur �nergie. Si l�intention des pouvoirs publics consiste � favoriser la recherche, il faut songer � distinguer entre les t�ches de sant� publique � confier � des structures de sant� publique sp�cialis�es et les missions hospitalo-universitaires qui sont en charge des soins hospitaliers sp�cialis�s, de la recherche et de l�enseignement. C�est � ce titre que la recherche pourra �tre impuls�e. C�est quoi le statut de mandarin ? je vous vois venir. Souvenez-vous de la vocation de psychiatre que j��voquais au d�but de cet entretien. C�est la sensibilit� � la souffrance humaine qui m�a conduit vers le m�tier de psychiatre. Comment avec cette disposition, pourrais- je en arriver � devenir un mandarin ? C�est quoi un mandarin ? Un �tre imbu de sa personne et plein de suffisance. Un professeur capable, pour durer dans son magister, de faire obstacle � la mont�e de ses collaborateurs, en les m�prisant et en les privant de l�acc�s � son savoir. En clair, vous n��tes pas un mandarin ? Dans mon service je suis assist� par deux professeurs avec lesquels je travaille en parfaite harmonie. L�un d�eux, � mon initiative, dirige un service autonome, le service infanto-juv�nile. J�ai �t� le directeur de th�ses de tous les professeurs de psychiatrie exer�ant, actuellement, � Alger. Ici dans cet h�pital, je d�l�gue mes responsabilit�s sur tous les plans � mes assistants et mes collaborateurs. En dehors des soins, je consacre l�essentiel de mon temps � la formation et � la recherche. Peut-�tre, alors, suis-je un mandarin qui s�ignore ?! Digressions Vous dressez un constat sans complaisance sur l��tat de la politique de sant� mentale en Alg�rie. Vous ne partagez aucune responsabilit� dans cet �tat des lieux ? La politique de sant� mentale n�est pas de mon ressort. L�organisation de l�activit� psychiatrique ne m�a pas �t� confi�e express�ment. Je me suis efforc�, tout le long de ma carri�re, � contribuer au d�veloppement de la psychiatrie en Alg�rie. En tant que chef de service hospitalier ou de professeur � l�universit�. Mais je ne suis comptable que des t�ches dont j�ai la charge directement. C�est-�-dire l�institution hospitali�re dont j�assure la gestion m�dicale avec l��quipe qui m�assiste. Notre institution est � la pointe de la formation et de l�organisation des soins en psychiatrie. Elle n�a rien � envier aux services similaires dans le monde. Savez-vous, � titre d�exemple, que, dans notre service, nous avons, depuis une trentaine d�ann�es, un s�minaire de lecture hebdomadaire pour pr�senter aux soignants les ouvrages les plus int�ressants parus sur la sant� mentale. Chaque samedi un r�sident pr�sente en plus un article r�cent paru dans les revues scientifiques. Cela peut para�tre �l�mentaire. Parvenir � maintenir cet usage en milieu universitaire en Alg�rie n�est pas chose facile. Comme vous avez pu le constater de visu, nous ne sommes pas rest�s les bras crois�s au cours des trois d�cennies pass�es. Notre institution sert, d�ailleurs, de mod�le d�organisation pour la prise en charge de l�adulte comme pour celle de l�enfant. Nous recevons souvent des coll�gues travaillant dans les autres h�pitaux pour des visites d��tudes. Nous avons re�u des f�licitations �crites de la Ligue Alg�rienne des Droits de l�Homme. C�est l� notre grande fiert�. En r�alit�, vous pourriez me reprocher, le cas �ch�ant, de ne pas avoir r�ussi � faire parvenir tous les services de psychiatrie au niveau de performance de celui que je dirige avec mon �quipe. Mais ne me condamnez pas pour des responsabilit�s qui ne sont pas miennes. Vous venez d�assombrir nos horizons par vos jugements s�v�res sur l��tat de la psychiatrie en Alg�rie. Ce que vous dites pour la psychiatrie est, h�las, valable pour bien d�autres activit�s essentielles dans le pays. Sur un plan plus g�n�ral, vous �tes plut�t optimiste ou pessimiste ? Je suis inquiet par nature. L��volution de la psychiatrie ces deux derni�res d�cennies conforte mon inqui�tude. Ne croyez pas que je dresse cet �tat des lieux avec plaisir. Cela dit, je ne crois que la situation inqui�tante de la sant� mentale en Alg�rie ait atteint un seuil d�irr�versibilit�. Mais il ne faut pas se cacher la v�rit�. L��volution de la sant� mentale est � int�grer dans le cadre global du d�veloppement social et �conomique du pays. Dans le contexte, �galement, de la progression de la m�decine, en termes de structures de soins, d�offre de soins et d�organisation g�n�rale de la sant�. Nous avons pris beaucoup de retard avant de prendre conscience de cette pathologie. Il faut souhaiter que le d�veloppement social et �conomique du pays permette de combler ce retard plut�t que de l�aggraver. Vous ne craignez pas que la d�t�rioration de l��tat de la sant� mentale en Alg�rie ne d�bouche sur une dislocation de la coh�sion sociale et de graves perturbations de l�ordre public ? Il est certain que la soci�t� alg�rienne qui a �volu� revendique plus, d�sormais, l�acc�s aux soins psychiatriques. Il est certain, par ailleurs, que la famille alg�rienne, soumise, d�autre part, � de graves privations �conomiques et sociales risque d�exprimer son m�contentement en cas de d�faillance de l�Etat dans la prise en charge des malades mentaux. Ce risque reste, cependant, limit� dans son impact sur, d�abord, l�ordre interne et, ensuite, sur la coh�sion sociale en Alg�rie. C�est un sujet d�inqui�tude, certainement. Il faut tenir compte que l�effet de cette inqui�tude est d�cupl� par la nature de la souffrance qui reste inexplicable. L�abandon du malade mental renvoie � la soci�t� une image n�gative de la gouvernance publique. De ce point de vue, le bilan de la sant� mentale devrait �tre examin� avec plus d�attention par les pouvoirs publics. Nous allons clore cet entretien avec l�impression que depuis l�ind�pendance, vous n�avez jamais eu � rencontrer un ministre de la Sant� ou de l�Enseignement Sup�rieur qui ait �t� capable de comprendre la complexit� de la discipline que vous exercez et de lui pr�ter une oreille d��coute attentive... Vous raisonnez l� par exc�s. Je cite, ainsi, pour l�exemple, Monsieur Kasdi Merbah, lequel, malgr� son bref passage � la t�te du Minist�re de la Sant�, a laiss� une forte empreinte sur le corps m�dical. Il avait eu l�intelligence de comprendre la complexit� de la psychiatrie, l�humilit� de s�informer, chaque fois d�avantage, sur cette science et la capacit� de concevoir et d�organiser une d�marche pragmatique pour son essor. Pour m�moire c�est lui le premier qui a permis la sectorisation des activit�s psychiatriques � Alger. Monsieur Mohamed Seddik Benyahia, aussi, en qualit� de Ministre de l�Enseignement Sup�rieur, a fait preuve d�une lucidit� remarquable dans l�approche de la discipline et dans la mise en �uvre de son enseignement. Dois-je pr�ciser que j�ai per�u chez ces deux responsables, � c�t� de la lucidit� d�esprit, cette flamme patriotique qui entretient la vie des grands hommes d�Etat ? Vous consid�rez avoir suffisamment rendu hommage au cours de cet entretien au professeur Benmiloud que vous semblez tant admirer ? Merci de me rappeler ce devoir. Je n�aurais de cesse � rendre hommage au Professeur Khaled Benmiloud. Je d�plore qu�aucun h�pital en Alg�rie ne porte son nom. J�esp�re pouvoir aider � r�parer cette injustice. Il n�est pas possible d��tre un bon psychiatre sans mod�le identificatoire. Chacun de nous est diff�rent, mais nous prenons de nos ma�tres les qualit�s dont ils sont familiers, l�amour du m�tier, la curiosit� intellectuelle et l�aptitude � �couter la souffrance humaine. C�est de l�exemple de ces ma�tres attachants que nous puisons le courage de pers�v�rer.