Des citoyens sont menacés par les crues des oueds à l'est d'Alger, plus précisément à El Hamiz, commune de Dar El Beida, où plusieurs familles habitent, au péril de leur vie, à quelques mètres seulement de l'oued. Une proximité menaçante due à l'augmentation du niveau de cette rivière et son débordement fréquent en cette période de l'année. Les occupants des baraques sont nombreux à paniquer à la moindre averse. Ils sont conscients du danger mais n'ont pas où aller. Il est 10h 30. Le quartier principal d'El Hamiz grouille de monde. Comme à l'accoutumée, les magasins spécialisés dans l'ameublement, l'électroménager et autres commerces ont levé leurs rideaux. La route principale est bloquée par la circulation. La boue, les nids-de-poule et les transporteurs qui chargent et déchargent les marchandises sont les principales causes de ce bouchon. Une fois que les automobilistes surpassent cette allée, ils appuient sur l'accélérateur. Juste à la sortie d'El Hamiz en allant vers Rouïba, une plaque indique un tournant à gauche. Nous y accédons. Là, les visiteurs qui viennent pour la première fois sont surpris. Un autre monde existe au-delà de cette artère commerciale qui attire plus d'un. Un chemin boueux pousse les automobilistes à quitter leurs véhicules pour poursuivre leur parcours à pied. C'est ici que se trouve Oued El Hamiz avec ses 8.000 baraques implantées depuis 1977. Dans cet endroit, tous les habitants circulent en bottes en caoutchouc. Pour eux, les chaussures ne sont portées que pour les occasions ou durant l'été. La boue peut atteindre 6 centimètres en hiver. Cette localité offre un paysage affligeant. Les ordures sont amoncelées de façon anarchique, les sacs de sable et de ciment sont éventrés alors qu'une odeur nauséabonde se dégage des lieux. Les constructions illicites, quant à elles, sont alignées l'une à côté de l'autre. Les couloirs de séparation entre chaque baraque sont tellement étroits qu'on trouve des difficultés à y accéder. Construites en parpaing et en brique pour les plus « nantis », les toitures de ces logis sont couvertes de zinc et de toile en nylon et bloquées par de grosses pierres pour que le vent ne les emporte pas. « Les gens sont enterrées vivants », s'est écrié Abdelkader Guettaf, résidant dans ce bidonville. Selon lui, Oued El Hamiz s'étend jusqu'à Béni Merad. « C'est désastreux durant la période hivernale. Les eaux de l'oued pénètrent dans les habitations faisant fuir les habitants qui se retrouvent dehors sous la pluie », dira-t-il, mécontent. Et d'ajouter : « Même sous la pluie, on n'est pas à l'abri à cause des câbles électriques raccordés illicitement. Combien de fois les services de la Protection civile sont intervenus pour nous sauver des crues ? s'est-il exclamé. M. Guettaf ira plus loin en affirmant que la situation n'est pas meilleure durant les autres saisons. Les raisons ? « L'oued emporte tout ce qui se trouve sur son passage lors du lâcher du barrage de Keddara », dira-t-il. En effet, il est impossible de s'attarder sur ce lieu à cause du cadre de vie déplorable qui le caractérise. Ils sont nombreux les enfants en bas âge à jouer à proximité de cet oued. Les artères commerciales, les lieux de loisirs, les écoles et les marchés se situent au centre d'El Hamiz. Les habitants de ces baraques sont contraints quotidiennement de faire ce parcours pour s'approvisionner en eau potable, denrées alimentaires et gaz butane. Les plus démunis se contenteront de se réchauffer près d'un feu allumé dans des futs métalliques rouillés. Comme c'est le cas d'un groupe de jeunes oisifs rencontrés sur les lieux. « On est sans travail et sans maison décente », dira l'un deux. La promiscuité les contraints quotidiennement à quitter leurs « demeures » pour se regrouper autour d'un feu ou s'abriter à l'intérieur d'une carcasse de voiture isolée dans un coin humide. Hamid a 38 ans. Il n'est pas très bavard par rapport à ses amis. Cigarette à la main, il contemple une cité qui se trouve de l'autre côté de son quartier. « Le rêve impossible », souligne-t-il. Selon un autre locataire, L. Noureddine, la majorité des familles sont issues de l'intérieur du pays. « Elles ont fui le terrorisme et se sont installées ici », a-t-il expliqué. Evoquant l'oued, il dira : « A chaque fois que le temps se gâte, les dégâts humains sont à craindre. Beaucoup de personnes qui étaient de passage sous la pluie ont été emportées par les eaux », dira-t-il. « Cette situation dure depuis des années et les autorités locales se disent dépassées par le phénomène », a-t-il précisé. Et d'ajouter : « Les familles résidant en bordure de Oued El Hamiz ont été recensées en vue de les reloger, mais rien n'a été fait depuis ». « Pourtant, notre nombre est important », a constaté le bonhomme. Désemparée, Marwa, une jeune dame, semblait perdue. Par ce froid glacial elle est sortie faire un petit tour histoire de décontracter ses muscles. Enceinte, elle marchait difficilement. Sa belle-mère la tenait par le bras de peur qu'elle glisse à cause de la boue. « J'ai très peur de rester des années encore dans cette zone », dira-t-elle. Sa main caressant son ventre, elle s'inquiète déjà pour le sort de son futur enfant. 1.000 familles à reloger ont été recensées Les autorités locales laissent entendre que le bidonville d'oued El Hamiz est occupé exactement par 1.000 familles. Selon M. Lyes Gamgani, P/APC de Dar El Beida, toutes ces familles ont été recensées pour leur relogement conformément aux directives du président de la République, M. Abdelaziz Bouteflika. « L'opération de recensement a été entamée en 2007 et s'est déroulée dans de très bonnes conditions », a précisé M. Gamgani. « Les citoyens dépendant de la circonscription de Dar El Beida auront leur quota de logement cette année et la distribution se fera selon la priorité, l'échéancier et l'ancienneté sur le site », dira-t-il. Le but étant, a tenu à préciser le même responsable, d'éradiquer en premier lieu le phénomène de « business des baraques ». En effet, précise-t-il, « il existe beaucoup de faux habitants de bidonvilles qui ont acheté ces taudis pour bénéficier d'un logement ». « Leur démarche est illicite et nous veillons à ce qu'ils ne bénéficient de rien », a ajouté M. Gamgani. Et de dire : « Nos agents ont élaboré des fichiers spécifiques à chaque famille qui réside sur les lieux depuis longtemps et qui n'a jamais profité des biens octroyés par l'APC ». Selon le même responsable, l'inspection existe, mais ne peut être présente en permanence. Cela étant dit, M. Gamgani a souligné que l'APC de Dar El Beida n'a pas délaissé les habitants du bidonville d'oued El Hamiz. Selon lui, six fontaines d'eau potable ont été placées à l'intérieur du site pour permettre aux locataires de s'approvisionner en eau potable. Quant au problème de la remontée des eaux de l'Oued en question, le P/Apc a rassuré. « L'oued d'El Hamiz ne déborde plus, même pendant la période hivernale, grâce à la bonne gestion du secteur de l'hydraulique qui a mobilisé les moyens nécessaires pour l'épuration et l'assainissement », s'est-il félicité. Pour permettre aux enfants scolarisés de poursuivre leur cursus scolaire, M. Gamgani a affirmé que l'APC a mobilisé sept bus de transport scolaire dont cinq pour les lycéens de l'établissement « Mohammedia » et deux autres pour le CEM « les Rosiers ». « Les habitants du bidonville de oued El Hamiz seront bien pris en charge. C'est une question de temps », a affirmé M. Gamgani.