Les Etats-Unis, qui envisagent d'inscrire sur leur liste des personnes à « éliminer » le nom du terroriste Mokhtar Belmokhtar, l'ex-chef d'Al-Qaïda au Maghreb islamique, qui a revendiqué l'attaque contre le site gazier d'In Amenas, demandent à la communauté internationale de s'abstenir de verser toute rançon aux groupes terroristes contre la libération d'otages. Cet appel à mettre fin à cette « tactique particulière » des terroristes pour financer leurs activités criminelles a été lancé par Mme Victoria Nuland, la porte-parole du département d'Etat, vendredi soir, lors de son briefing quotidien où les médias l'ont interrogée sur les déclarations de Vicki Huddleston, l'ambassadrice américaine au Mali de 2002 à 2005. Selon la diplomate américaine et la chargée des affaires africaines au secrétariat à la Défense de juin 2009 à décembre 2011, la France a versé « 17 millions de dollars » pour tenter d'obtenir la libération de ses quatre ressortissants, enlevés le 16 septembre 2010, dans le nord du Niger, à Arlit. « L'argent a transité par le gouvernement malien avant de finir, en partie, dans les mains d'Aqmi, qui a revendiqué l'enlèvement », dit-elle. La France dément. « Elle ne peut pas lutter contre le terrorisme et en même temps financer les terroristes », dit-elle. La diplomate américaine persiste et signe : « C'est le chiffre dont j'ai entendu parler et que j'ai vu écrit noir sur blanc », dit-elle, mettant ainsi dans l'embarras la France. « L'inquiétude de l'ambassadrice reflète une préoccupation que nous partageons au sujet d'Aqmi et d'autres groupes qui utilisent les otages pour alimenter leurs coffres », poursuit-elle, précisant que son pays « encourage tous ses partenaires et alliés à refuser de coopérer avec les preneurs d'otages et à avoir une politique de tolérance zéro dans le cadre de cet effort ». Selon Mme Nuland, ce sujet fait l'objet « de discussions continues avec les alliés et les partenaires des Etats-Unis quant à l'importance de tarir cette cette technique comme source de financement du terrorisme ». D'autant, dit-elle, que Aqmi, qui « continue à essayer de soutirer les rançons » aux pays occidentaux, a « trop souvent réussi à les obtenir ». Un constat amer qui rejoint la position doctrinale de l'Algérie, c'est-à-dire le rejet catégorique de tout paiement de rançons aux groupes terroristes contre la libération d'otages. Outre Daniel Benjamin, le coordonnateur américain de la lutte anti-terroriste, David Cohen, le sous-secrétaire au Trésor pour la lutte contre le financement du terrorisme, a appelé, à plusieurs reprises, à l'urgence de briser ce qu'il appelle le « cercle vicieux » des enlèvements contre rançons. Une pratique qu'il considère comme « la plus grande menace ». Il y a quelques mois, il a effectué une tournée en France, Allemagne, Italie et au Royaume-Uni et ce, dans un seul objectif : développer avec les responsables de ces pays une approche unifiée face à cette forme de financement du terrorisme. Notamment des groupes affiliés à Al-Qaïda au Sahel et au Yémen. Selon ses chiffres, les organisations terroristes, dont Aqmi, auraient collecté plus de 120 millions de dollars ces 8 dernières années et le montant moyen d'une rançon par otage payé à AqmiI est passé de 4,5 millions de dollars en 2010 à 5,4 millions de dollars en 2011. Autre fait marquant relevé par le patron américain de la lutte contre le terrorisme : la distinction que font les preneurs d'otages entre les gouvernements qui acceptent de verser des rançons et ceux qui refusent de s'y plier. « Aqmi cible, principalement, les Européens », dit-il. La raison ? « Ils payent les rançons demandées », explique-t-il via certains gouvernements et intermédiaires. « Ils ont versé 89 millions de dollars entre 2004 et 2011 pour obtenir la libération d'otages », précise Vicki Huddleston. Même si l'Assemblée générale de l'ONU a adopté, en décembre dernier, une résolution non contraignante dans laquelle elle exhorte les Etats membres de s'abstenir de financer ou de soutenir les activités terroristes.