Il convient de savoir que l'artiste Taha Laâmiri, qui y interpréta le rôle principal de Montserrat, est remonté sur scène à Alger, 65 ans après, pour camper cette fois, à l'âge de 86 ans, le rôle du père Coronil, le moine capucin. A la fin de ce spectacle, la coopérative culturelle « Port Saïd » d'Alger présidée par le célèbre acteur de cinéma et de théâtre, Mohamed Lawadi, a rendu un vibrant hommage à deux éminentes personnalités du monde du théâtre algérien. Il s'agit du regretté Mohamed Ferrah et de Rabah Allam ancien comédien et directeur général de la société « ACI », sponsor de ce spectacle. Les férus du 4e art, qui ont rempli la salle du TNA, se sont délectés des péripéties de cette pièce et de son personnage principal, Montserrat, un officier espagnol qui rallia les rangs des révolutionnaires vénézuéliens, sous l'occupation espagnole, convaincu de la justesse de leur cause. « Ce texte est une tragédie noire où le metteur en scène joue avec le cristal des aigus et la chaleur des graves. » Djamel Guermi nous apprend à bâiller, à écouter et à entendre. Cette œuvre, d'une intensité dramatique et d'une force poétique infinies, nous dit tout de la naissance à la mort, jusqu'à l'ultime flaque de lumière intense qui, pour les personnages, deviendra le symbole de la folie, dans un monde blanc, sourd et silencieux. Dans cette pièce, l'auteur mêle le grotesque au drame, le comique au tragique, le réel à l'irréel et nous entraîne très loin dans l'exploration de l'âme humaine. L'image chaotique d'une civilisation privée de sa spiritualité, l'appel à la conscience des hommes de bonne volonté, l'ingérence des peuples qui en libèrent d'autres pour mieux les dominer, sont autant de reflets qu'offre cette œuvre à nos visages contemporains dans un décor inspiré du cinéma espagnol, sur une musique jubilatoire de Nabil Mohamed Oufi. C'est grave, burlesque, tragique : c'est terriblement humain. Sur un ton plus sombre, l'équipe de Djamel Guermi de la coopérative culturelle artistique pour le théâtre « Port Saïd » de Mohamed Lawadi évoque la folie, le viol ou le suicide. Sujets sensibles, s'il en est, dans la société algérienne, ces thèmes sont abordés dans ces pièces, plus par le jeu de l'expression corporelle que par le langage. Charriant, par le choix des thèmes, Djamel Guermi a, néanmoins, tenté de transcender une vision négative par la dérision ou l'introduction d'éléments porteurs d'espoir, expression d'une volonté, de ces comédiens confirmés, de produire un théâtre où l'énergie créatrice est au service de la société.