Un lieu : à 100 km au nord de la «zone des trois frontières» entre la Libye, la Tunisie et l'Algérie. Un territoire immense et incontrôlable. Un fait : trois voitures chargées d'armes, détruites par l'armée tunisienne. Dans la nuit de mercredi à jeudi, les occupants de trois véhicules, circulant dans la zone de Satah al-Hassan, dans l'extrême sud de la Tunisie, ont ouvert le feu en direction d'un appareil qui survolait la zone. Le pilote réplique, détruisant les trois voitures, selon l'agence officielle tunisienne, TAP. Selon plusieurs sites tunisiens, les cibles étaient bourrées d'armes en provenance de la Libye et transitaient par la Tunisie pour rejoindre l'Algérie. Cet incident n'est pas le premier et renseigne sur les nouvelles pistes des armes du terrorisme. Pour rappel, en septembre 2011, un accrochage meurtrier (entre un et six morts selon les sources) avait opposé l'armée tunisienne et un groupe armé, dans le sud du pays, à la frontière avec l'Algérie. Une hypothèse qui épouse la logique des événements qui se déroulent dans la région et qui veut que les groupes armés qui activent sur le territoire algérien soient les premiers clients des cargaisons d'armes destinées à alimenter les maquis de l'ex-GSPC. Les autorités algériennes avaient déjà souligné la dangerosité de la porosité des frontières libyennes, ouvertes aux trafics en tout genre, avec à leur tête, celui des armes. En mars 2012, le ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, Daho Ould Kablia, s'inquiétait de ces frontières. Dans une déclaration à la presse, en marge d'une séance plénière de l'Assemblée populaire nationale, il dira que « c'est plutôt les groupes terroristes qui se trouvent à l'extérieur de nos frontières qui auraient pu nous inquiéter », faisant allusion aux bandes armées qui activent le long des frontières avec la Libye, le Mali ou encore le Niger, s'appuyant sur les conditions d'insécurité qui caractérisent ces pays et profitant des conflits qui s'y déroulent. Le ministre, se voulant rassurant, a affirmé que l'Algérie, consciente du danger dû au recrutement et au surarmement de ces groupes, a pris toutes les dispositions nécessaires pour y faire face soulignant que les frontières sont hautement sous surveillance et que toutes les dispositions « sont prises pour que ces armes ne puissent absolument pas entrer dans notre pays que ce soit du côté du Mali, du Niger ou de celui libyen ». Il avait rappelé, à Tripoli, que les forces de sécurité algériennes ont avorté, à maintes reprises, des tentatives de trafic d'armes, le long de ses frontières. Pourtant, et sur le terrain, ce dispositif sécuritaire a démontré toute sa limite puisque, à deux reprises, les éléments du «Mouvement Unicité et Jihad en Afrique de l'Ouest», le «Mujao», ont frappé dans le territoire national. Dans la pure ligne djihadiste, puisée des préceptes d'Al Qaïda, le Mujao est impliqué dans l'enlèvement de trois ressortissants étrangers, membres d'ONG européennes travaillant dans des camps de réfugiés sahraouis près de Tindouf. Il a également revendiqué l'attentat kamikaze contre le groupement de la gendarmerie à Tamanrasset, qui a fait 23 blessés, selon un bilan officiel. Tout le danger de cette situation vient de la puissance de feu perdue dans l'immensité désertique de la Libye après la chute du régime de Kadhafi. Forts de cet arsenal militaire et livrés à eux-mêmes, les rebelles libyens se sont reconvertis en marchands d'armes, ne faisant aucun distinguo entre leurs clients. Touaregs maliens, groupes terroristes d'Aqmi activant aussi bien en Algérie, au Mali, voire dans d'autres pays africains, la vente d'armes est devenue la première activité du désert. Ces armes perdues de la Libye ont déjà été au cœur des discussions sécuritaires, au plus haut niveau et Mourad Medelci, ministre des Affaires étrangères, en visite à Moscou, en décembre dernier, avait soulevé ce problème avec son homologue russe. Le ministre algérien avait déclaré alors responsabiliser le nouveau gouvernement en place à Tripoli pour solutionner le problème mais que le danger a dépassé, aujourd'hui, les frontières et qu'il menace tous les pays du Sahel. Il a affirmé que la situation au Sahel s'est aggravée au lendemain des évènements de la Libye et la dispersion de tonnes d'armes sophistiquées, dans tous les pays de la région. Crainte partagée par les Américains puisqu'il y a quelques mois, le commandant en chef des Forces américaines pour l'Afrique (Africom), le général Carter F. Ham, en visite à Tunis, avait mis en garde contre la menace de groupes terroristes, particulièrement Aqmi et l'accroissement de la contrebande d'armes en Afrique.