Houari Benchenet a cette réputation qui lui colle à la voix comme une deuxième nature. Celle d'être un artiste au sens vrai du mot. Dans le sérieux qu'on lui connaît, dans le respect du public qu'on lui reconnait. Et puis évidemment dans la production de ses albums qui ne se fait pas à chaque détour, car lui sait prendre le temps d'écrire et de composer. Celui qui vient de couronner la fin de l'année 2012 arrive à point nommé pour confirmer cette règle qu'il fait sienne. Et la singularité de ce dernier opus est qu'il ne porte pas de titre. Comme une invitation lancée à ses fans de faire leur choix propre sur la chanson à élire dans cet album. Et le choix est justement embarrassant tant chaque mélodie porte en elle le meilleur de la musique et de la poésie. Une dizaine en tout, que Houari a confiée à des paroliers, ou encore qu'il s'en est allé cueillir du patrimoine de la culture orale, plus précisément dans le foisonnement du chiir el malhoun,( poésie populaire) son dada de toujours, et même tirer des chansons déjà interprétées et auxquelles il redonne une autre âme. Comme celle qui ouvre cette dizaine de mélodies, en hommage à Wahran. Un tube déjà chanté et maintes fois rechanté. Et qui dans la voix de Benchenet fait retentir une autre ovation, accompagnée de ce nouvel arrangement musical bien entraînant à juste titre bien choisi pour accompagner ce périple à travers Oran l'incontournable escale pour qui sait apprécier la beauté d'une ville vertigineuse ouverte qu'elle est sur la mer. Une ouverture qui gagne les esprits les plus mélancoliques et qui fait la bonne réputation de Wahran el bahia, la joyeuse... une autre promenade que celle déjà proposée dans un autre titre de l'artiste qui semble porter en lui ce coup de cœur pour sa ville natale ad vitam aeternam ! Et le voici qui la congratule de nouveau en reprenant un vieux tube sur une autre composition musicale. Et pour ne pas faillir à son autre violon d'Ingres, la mélodie sentimentale, Houari se surpasse et chante les amours éperdues, impossibles ou encore heureuses. Mais il fait malgré lui un retour en arrière comme pour titiller une jeunesse consommée mais pas consumée, puisqu'il dédie un texte à cet amour de vacances, le temps d'un été, au hasard d'une rencontre jamais imaginée, éphémère aux séparations douloureuses, d'une amour qui ne reviendra pas... auxquelles l'artiste s'y fait, les souvenirs aidant. Avec cette force qu'il entretient du passé pour mieux appréhender l'avenir sentimental. Qui peut ne pas être un éternel recommencement. « Dans c'est fini l'été », Houari chante les amours éphémères mais ô combien bonnes à revivre, cachées jalousement dans un coin de la mémoire, le temps de vacances, à l'odeur de la mer et du coucher du soleil. Puis l'artiste promet qu'avec son amour, c'est gagné pour toujours, parce qu'il lui a porté ce qui fait son bonheur dans « Anti rebhi ». Sans transition, le chanteur se met dans la peau de celui qui doit mettre sa vie de côté, tenter de rattraper l'erreur devant « Sid el juge » qu'il invite à écouter son histoire. Celle d'un amour rongé par l'appât de l'argent de la conjointe... les faux espoirs, la révélation grandeur hypocrisie, face à la naïveté et à la sincérité pour fonder un foyer... Houari Benchenet vit encore dans le rêve et le fait réalité en embrassant le pays qui lui manque. La chanson est de Blaoui el Houari alors que la composition musicale revient à Ahmed Bouderbala et qui n'est autre que « L'ahmem ettayer », ce pigeon voyageur que l'on envoie en émissaire. Benchenet fait le tour de l'Algérie après avoir été initié par Blaoui. Houari reste dans le patrimoine oranais et extirpe une belle complainte de Abdelkader El Khaldi dans ce titre auquel il n'est pas facile de résister, Bakhta, louange à l'infini à la femme, porté par les voix de Ahmed Wahbi, de Khaled Hadj Brahim. Benchenet leur a emboîté des vocalises pour lui aussi chanter cette beauté singulière du terroir. L'amour encore et toujours pour l'artiste qui se complait devant « Achek memhoun », pour dire et paraphraser que les amours ne sont pas comme on le croirait de tout repos. Comme elles transportent au summum, elles sont capables de meurtrissures et de chagrins à vie. La composition textuelle et musicale signées Serrour Hasni porte l'empreinte de la mélodie purement oranaise, au cachet particulier, le rythme et le saxophone aidant entrecoupé de violon sont là pour en attester. A la vie, Houari oppose la mort et les affres qui s'en suivent après la perte de l'être cher. Celui qui est incomparable, la maman. Douleur et affliction judicieusement rendues par paroles et musique. Dans l'intonation du wahrani pur et garanti. L'album s'achève sur deux titres qui ne sont pas de tout espoir. Une note triste et nostalgique qui conte l'impossible retour en arrière vers un passé plus gai et nourri de solidarité et d'amitié, dans un quartier plus vivant, mieux entretenu, moins porté sur l'égoïsme et l'individualisme avec « Khlaouni », (laissez-moi). Et puis cet autre texte dédié aux gens qui se font la belle, en quittant le pays, et traversant l'océan au péril de leur vie, dans la clandestinité, sans regarder en arrière. C'est que l'artiste se met dans la peau de ce jeune poussé à partir puisqu'il tente de se trouver une solution forcée après ce qu'il endure : « Zaafkoum dani l'elghourba » remet les pendules à l'heure. Houari Benchenet dans cet album reste inédit, d'actualité et fidèle à ses penchants pour le texte et la musique travaillés dans le professionnalisme exigé dans le métier et qu'il s'exige lui-même.