Les ex-rebelles ne lâchent pas la pression à Tripoli. Ils exigent l'exclusion des collaborateurs du régime de Mouammar Kadhafi de la vie politique. Pour se faire entendre, ils cernent, depuis dimanche 28 avril avec des véhicules équipés de canons anti-aériens et de lance-roquettes, les ministères des Affaires étrangères et de la Justice. Les autorités promettent de la fermeté contre ces « milices hors-la-loi ». Sans plus. Elles évitent tout recours à la force car « dans une société tribale comme celle de la Libye, la situation pourrait dégénérer à la moindre étincelle ». « Nous voulons épargner des vies », déclare Salah al-Marghani, le ministre de la Justice. Débattue à plusieurs reprises au Congrès général national (CGN), cette loi sur l'exclusion politique provoque des remous chez les politiques. La raison ? Elle pourrait écarter plusieurs hauts responsables du pays. Sous la pression des uns et des autres, le CGN a suspendu, depuis, ses travaux, le temps de trouver un compromis. Les « thowars », qui ont rejeté la dernière mouture du projet de cette loi car « en deçà de leurs revendications », annoncent qu'ils sont « déterminés à poursuivre leur mouvement pendant plusieurs mois » et à « assiéger d'autres ministères » au besoin. Selon eux, rien n'a changé en deux ans. « La plupart des dirigeants, sont les mêmes qu'avant. C'est l'inverse de ce que les Libyens voulaient », disent-ils. Pour ces derniers, la présence d'ex-collaborateurs du régime Kadhafi à des postes de décision est inacceptable. Le gouvernement, qui a une oreille tendue vers Benghazi, où les revendications fédéralistes deviennent insistantes et une autre vers le « Sud » où les anciens du Mali se fraient des espaces pour lancer leur « djihad », accuse les « thowars » de faire régner un climat de peur qui pourrait déboucher sur une escalade de la violence. Comme pour reprendre la main, il « secoue » la rue avec ses partisans. A Tripoli, place des Martyrs, des Libyens protégés par l'armée déployée sur ordre du Premier ministre, protestent depuis peu et régulièrement contre le siège imposé aux deux ministères. Des heurts ont éclaté vendredi entre eux et les opposants. Soutenu par la principale force du Parlement, l'Alliance des forces nationales (AFN), qui compte en son sein plusieurs personnalités ayant travaillé pour l'ancien régime, Ali Zeidan, le chef du gouvernement, fait de la résistance. Sous l'influence d'islamistes désireux d'occuper une place plus importante dans le nouvel appareil d'Etat, le reste de l'Assemblée durcit sa position. Aujourd'hui, ce reste « réclame » qu'une trentaine de catégories de fonctionnaires soit radiée de la vie politique, quels que soient leurs états de service et leur période d'activité durant les quarante-deux années de règne de l'auteur du Livre Vert. La mission de l'ONU, qui sent le danger d'une chasse aux sorcières, comme ce fut le cas en Irak après l'adoption de la loi contre le parti « baâth » et ses militants, tente de calmer le jeu. Elle appelle les Libyens à un dialogue « constructif » s'ils veulent s'éloigner d'une guerre civile et d'une dislocation du pays.