Le groupe salafiste maintient la tenue de son troisième congrès annuel, prévu demain à Kairouan, au centre du pays en présence de 40.000 personnes, malgré le « niet » du gouvernement qui pourrait être revu aujourd'hui sous quelques conditions. Rached Ghannouchi, chef d'Ennahdha, a annoncé mercredi que le gouvernement interdirait ce rassemblement car ses organisateurs n'avaient pas obtenu d'autorisation comme l'exige la loi. « Les autorités doivent appliquer la loi sans distinction », dit-il.« Nous ne demandons pas l'autorisation du gouvernement pour prêcher la parole de Dieu et le mettons en garde contre toute intervention de la police pour empêcher la tenue du congrès ». Cette « menace » à peine voilée a été prononcée jeudi par Seifeddine Raïs, le porte-parole d'Ansar al-charia, dans une conférence de presse. « Ali Larayedh répondra de sa politique devant le seigneur et le gouvernement sera responsable de toute goutte de sang qui sera versée », dit-il sur un ton martial qui rappelle la menace brandie par Abou Iyadh, le chef de cette organisation. Recherché depuis septembre 2012 par la police, il n'exclut pas de faire la guerre au gouvernement d'Ennahdha qu'il accuse de mener une politique contraire à l'Islam. Lotfi Ben Jeddou, le ministre de l'Intérieur, qui avait ordonné le week-end dernier aux forces de sécurité d'empêcher les salafistes de dresser des tentes à Tataouine, Médenine et Tunis pour prêcher leurs idées, prend au sérieux ces menaces. « Nous avons des forces spéciales pour protéger la Tunisie. (...) On n'accepte pas les menaces de mort et l'incitation à la haine, on n'acceptera pas de se faire traiter de tyrans », dit-il appelant les salafistes « à la sagesse, à s'intégrer à la vie politique, à accepter l'autre et à renoncer à la violence verbale et physique ». Moncef Marzouki, le président tunisien, qui est convaincu que son pays « fait face à une menace terroriste », ne désespère pas, lui aussi, de ramener ces derniers à la raison. « J'attends des cheikhs salafistes, dit-il lors d'une réunion de dialogue national initiée par l'UGTT, le principal syndicat, une condamnation claire du terrorisme », dit-il appelant ses compatriotes à « serrer les rangs face au fanatisme religieux, quelles que soient les tendances et les différences ». Et d'ajouter que l'Etat est « déterminé à agir contre les dérives et à recourir à tous les moyens militaires et sécuritaires dont il dispose. (...). Car le dialogue n'est pas possible avec ceux qui utilisent les armes et sèment les mines », explique Ghannouchi, tranchant ainsi avec l'attitude de son mouvement qui a, jusque-là, rejeté tout recours à la force contre les salafistes, présentés comme des « enfants » du pays avec lesquels il faut privilégier « le dialogue ». Inscrite comme ONG, Ansar al-Charia est née en avril 2011. Ses dirigeants, dont son chef, Saif Allah Bin Hussein (Abou Iyadh), un vétéran d'Afghanistan qui a combattu avec al-Qaïda, ont bénéficié d'une amnistie générale dans la foulée de la révolution du Jasmin.