Des intellectuels, professeurs d'université, proches de la cause algérienne n' échappent pas à la « ratonnade », comme André Mandouze. Les étudiants algériens prennent alors conscience que leur avenir est désormais lié au destin de leur peuple qui subit les mêmes sévices, sinon pire. L'Union générale des étudiants musulmans algériens (UGEMA) monte au créneau en décrétant la mobilisation générale. L'ordre de grève est adopté, on abandonne les cours et les examens et on décide du passage au maquis. La grève est non seulement adoptée au sein des étudiants en Algérie, mais elle touchera également ceux inscrits dans les universités françaises. Leur célèbre slogan, repris par tout le monde, est inscrit en lettres d'or dans l'histoire de la Révolution algérienne. « ...Avec un diplôme en plus, nous ne ferons pas de meilleurs cadavres ! A quoi donc serviraient ces diplômes, qu'on continue à nous offrir, pendant que notre peuple lutte héroïquement... ». L'UGEMA a émergé, en tant qu'organisation estudiantine, le 14 juillet 1955, à l'initiative d'un groupe d'étudiants. Taleb Ibrahimi en sera son premier président. Elle avait déjà adopté, lors de son 2e congrès, tenu du 24 au 30 mars 1956 à Paris, une motion de politique générale dans laquelle elle demandait la proclamation de l'indépendance de l'Algérie, la libération de tous les patriotes emprisonnés et l'engagement des « négociations avec le Front de libération nationale ». L'organisation estudiantine avait, par cette courageuse position, consommé son divorce avec les étudiants français, partisans d'une « Algérie française » et qui étaient déjà hostiles à l'égard des mesures prises par l'administration coloniale tendant à contenir son désarroi en favorisant l'accès de l'élite algérienne musulmane à « certains emplois publics ». La divergence portait seulement sur la durée de la grève Le deuxième congrès de l'UGEMA avait placé, en avril 1956, à la tête de cette organisation, Mouloud Belaouane, jeune étudiant en médecine, né à Collo le 26 juillet 1928. Un mois plus tard, le 19 mai 1956, il lance un appel aux étudiants pour le boycott des cours et des examens. Cet appel fait suite à une période de terreur vécue par les Algériens, qui se résume en une série de meurtres et d'intimidations. La première victime fut Zeddour Belkacem, assassiné par la police française, puis le meurtre du docteur Benzerdjeb. L'écrivain Réda Houhou, secrétaire de l'institut Ibn Badis de Constantine, lui, est exécuté sommairement suite à une prise d'otages. Des tortures sont pratiquées sur les docteurs Haddam de Constantine, Baba Ahmed et Tobbal de Tlemcen. Ferhat Hadjadj, étudiant en propédeutique et maître d'internat au lycée de Ben Aknoun, est séquestré et soumis à la torture pendant plus de dix jours. Il est retrouvé égorgé à Jijel. L'UGEMA s'était déjà préparée à cette forme de riposte, une grève fut lancée le 20 janvier 1956. Elle n'aura pas influé sur le cours des choses. La répression continuait. Cette fois, c'est vers le maquis que ses militants décident de se tourner. La section d'Alger de l'Union « radicalisa sa position », écrivait Malek Abada (« Algérie 1954-1962, les sentiers de la liberté »), sous l'impulsion des étudiants « proches de Abane Ramdane et du FLN », citant Seddik Benyahia, Lamine Khane, Belaïd Abdesselam, etc. Quant aux étudiants d'outre-mer, le Pr. Djenas, qui avait écrit un livre dans ce sens, explique que « la divergence portait seulement sur la durée de la grève », à savoir si elle était illimitée ou non, parce qu'il fallait penser à l'après-indépendance et préserver e potentiel intellectuel de l'Algérie », explique-t-il. Le groupe finira par rallier la position générale. Les étudiants et lycéens rejoindront pour la plupart le maquis. « Certains tomberont au champ d'honneur, comme Rachid Belhocine, Yahia Farès, Issaad Hassani, Bakir Guedir, d'autres seront médecins-chefs dans les wilayas II et III, comme les professeurs Lalliam et Toumi, certains rejoindront l'armée des frontières et d'autres, enfin, connaîtront les affres des camps de concentration jusqu'à l'indépendance », témoigne encore le Pr Djenas. Les survivants seront les cadres de l'Algérie indépendante, une partie optera pour la poursuite des études interrompues.