Jour crucial dans l'histoire du Gabon. Officiellement, 813.164 électeurs, un chiffre «bien trop grand» pour une population réelle de 1,5 million d'habitants, se rendront aujourd'hui dans quelque 3000 bureaux de vote pour désigner dans un scrutin à un tour, celui ou celle qui présidera aux destinées de leur pays pour les sept années à venir. Pour la première fois, au Gabon, un pays pétrolier de 267 667 km⊃2; gangrené par la corruption, où les votes pour le défunt Omar Bongo Ondimba étaient la règle, ils auront à faire un choix parmi 23 candidats. Dont quatre semblent se détacher. Ali Bongo, le candidat du Parti démocratique gabonais (PDG, au pouvoir) et le fils du président décédé en juin après 41 ans au pouvoir, l'ancien Premier ministre Casimir Oyé Mba, qui avait brigué l'investiture du PDG, l'opposant Pierre Mamboundou et l'ancien ministre de l'Intérieur André Mba Obame. Si douze candidats ont souhaité le report du scrutin pour «irrégularités trop flagrantes» tous, c'est-à-dire, «22» ont demandé aux électeurs de voter « tout sauf Ali ». Les observateurs redoutent la «casse» si Ali passe. André Mba Obame, l'ex-ministre de l'Intérieur et seul rival sérieux, a tenté vendredi de brouiller les cartes. Il a annoncé un ralliement de onze candidats, à son nom avant d'être démenti par les «intéressés » qui ont crié à la « manipulation » et dénoncé un « coup bas ». Les proches de Mba Obame qui ont « réanimé » les discussions pour une candidature unique de l'opposition à Ali Bongo qui ont débouché sur un imbroglio politique, parlent d'un « volte-face ». Sur les onze, cinq (l'ex-vice-Premier ministre Paul Mba Abessole, MM. Eyéghé Ndong et Teale, l'ex-président du patronat Jean Ntoutoume Ngoua et la dirigeante pentecôtiste Anna Claudine Assayi Ayo), dont les trois premiers sont de l'ethnie fang, ont confirmé leur ralliement à Mba Obame qui est sûr de remporter le scrutin. « Je ne me laisserai pas voler ma victoire », prévient celui qui se présente comme le candidat du changement et de la rupture. Prétentieux, l'ex-ministre de l'Intérieur qui ambitionne de mettre à bas le système PDG avec sa plate-forme baptisée «Action, Modernité, Ouverture»? Sûrement : l'encouragement de certaines candidatures par le pouvoir en place pour diviser l'opposition et éparpiller les suffrages, la tonalité identitaire des discours de campagne, le faux profil bas de Paris qui soutient le fils du défunt, le refus du gouvernement de retirer les bulletins des cinq andidats qui ont annoncé leur retrait au profit de Mba Obame, ouvrent, selon les analystes, les portes du Palais présidentiel à Ali Bongo, qui reste pour beaucoup de Gabonais l'héritier politique «naturel» de son père qui avait des liens avec la plupart des candidats dont plusieurs sont, non seulement issus du Parti démocratique gabonais mais se considèrent comme des orphelins du parrain de la «Françafrique». Les pays voisins se demandent déjà si le Gabon peut vivre en paix sans Bongo. Quand on réalise que le candidat arrivé en tête peut être élu avec 20voire15 % des voix, il y a fort à parier que Libreville entrera dès mardi, jour de l'annonce des résultats dans un cycle de manifestations et de violences.