Des associations caritatives vivent un équilibre précaire qui dépend de leur budget de fonctionnement et qui peut, parfois, les gêner dans leur activité, voire les menacer de disparition. Le président d'une association de l'une des mosquées de Constantine dit ne pas vouloir « heurter ses fidèles donateurs ». Il déclare qu'il appréhende les prochains jours. « Nous sommes une association qui active depuis 2003, et c'est la première fois que nous faisons face à un déficit de dons juste avant le Ramadhan. Jusqu'à aujourd'hui, nous n'avons encore rien reçu, ni produits ni argent, alors que d'habitude, à cette même période de l'année, nous avons déjà terminé la préparation des couffins. Franchement, je ne sais pas ce qui se passe, nos donateurs ne se manifestent pas », dit-il. Le président de l'association espère, toutefois, que d'ici quelques jours, la situation s'améliorera. Il dévoile le programme de l'année de l'association qui va de la remise des couffins du Ramadhan à la distribution des trousseaux scolaires et des vêtements de l'Aïd au profit des enfants, en passant par l'assistance aux orphelins, aux veuves et aux handicapés. Il faut dire qu'avec le nombre croissant des nécessiteux, tout est une question d'argent, de dons et de subventions. Les bénévoles ne manquent pas, ils sont plus d'une vingtaine qui travaillent à l'association, mais compte tenu du fait qu'elle ne peut bénéficier de subventions, elle ne subsiste que grâce aux dons. Quelques membres de cette association, dont des imams, enseignent dans une école coranique et assurent également le prêche d'un Islam comme celui que nous a enseigné le Prophète (QSSSL) nous affirme le président de l'association : « Notre but est d'éloigner les jeunes de cet Islam radical importé de certains pays. Nous prêchons le message du Prophète (QSSSL) comme c'est écrit dans les Hadiths et le Coran », nous explique-t-il. Mais à l'approche du mois sacré, le seul objectif de l'association reste, bien sûr, la collecte de fonds et de dons pour ne pas rater la période la plus importante de l'année. Ça ne chôme pas ! « Souboul El Kheïrat » n'est pas une association mais un conseil affilié à fondation de la mosquée, organisme géré par la direction des affaires religieuses. Ce conseil existe légalement depuis des années mais ce n'est qu'en 2005 qu'il officialise ses premières missions sur le terrain. La différence avec les autres associations, c'est que ce statut lui permet une certaine autonomie et il ne vit pas, contrairement aux associations, de subventions mais uniquement de dons (à l'exception des aides de la wilaya durant le mois sacré). Le conseil est divisé en cinq comités, celui de la santé, des œuvres sociales, de la culture, du sport, la communication et l'administration. Occupant des bureaux à Dar El imam collée la mosquée El Kattania près du mythique Souk El Asar, « Souboul El Kheïrat » est une adresse bien connue des donateurs et des nécessiteux. Et il faut dire qu'au sein du conseil, ça ne chôme pas. Le secrétaire général, Abdelkader Nouar, qui nous a aimablement accueillis, était déjà occupé à tenir une réunion avec des responsables d'un laboratoire pharmaceutique. Ses secrétaires et les adhérents qui travaillaient ce jour veillaient à ranger et répertorier l'arrivage des médicaments. D'ailleurs, une des salles du bureau a été aménagée pour le stockage des médicaments. Les bénévoles ne manquent pas, « Souboul El Kheirat » dispose d'une véritable fourmilière de bénévoles. Cette association, présente dans plus de 200 mosquées, travaille dans la durée, pas uniquement à l'occasion des fêtes ou du mois de Ramadhan. Rien qu'en 2012, le conseil s'est affairé à satisfaire 1.200 ordonnances. « Une pharmacienne bénévole vient trois fois par semaine pour vérifier les produits ramenés, leur authenticité et élimine ceux qui sont périmés. Ensuite nous traitons les ordonnances selon la disponibilité des médicaments pour les attribuer aux demandeurs », nous explique M. Nouar. Autre exemple, les mariages collectifs. Depuis 2005, ce sont près de 650 couples qui ont pu s'unir grâce au soutien du conseil. Sur ce point, le secrétaire général du conseil nous fait savoir que l'opération, organisée chaque année, est soumise à certaines règles : les bureaux du conseil répertorient toutes les demandes et procèdent ensuite à leur étude, les couples qui ont le plus d'ancienneté de mariage civile sont généralement prioritaires : « Nous les aidons à acquérir une chambre ou des appareils électroménagers. De plus, nous organisons pour eux une fête dans un restaurant à Aïn Smara que le propriétaire met à notre disposition. Le mariage collectif de 2013 se déroulera au mois de septembre prochain. Concernant les donateurs, le conseil reçoit généralement une aide matérielle des laboratoires pharmaceutiques, de pharmacies et de médecins (pour les médicaments), des trousseaux scolaires, des produits alimentaires ou des appareils électroménagers de gens ou d'entreprises. Et il accepte uniquement des produits, pas d'argent. D'autre part, à chaque rentrée scolaire, ce sont en moyenne près de 6.000 cartables qui sont offerts aux écoliers de la wilaya. Informatisation des données pour débusquer les fraudeurs A l'approche du Ramadhan, le conseil s'apprête, comme chaque année, à distribuer 1.000 couffins en plus des restaurants de charité qu'il supervise. Pas seulement, puisque ses bureaux implantés dans les mosquées se consacrent aussi à la collecte du sang – chaque jour ce sont quatre mosquées qui le font - en plus de la distribution des couffins pour les plus démunis. En tout, les bureaux distribuent entre 5.000 et 7.000 couffins durant le Ramadhan. Mais la grande nouveauté de cette annéen, selon M. Nouar, c'est la concrétisation d'une banque de données informatisées regroupant les noms des pauvres. Le but, dit-il, est de pouvoir démasquer les fraudeurs et de garantir l'octroi des couffins aux nécessiteux. La pagaille des dernières années a poussé la commission chargée de l'opération de distribution des couffins composée de la DAS, des communes, de la direction des affaires religieuses ainsi que des associations, à prendre cette mesure afin d'écarter les intrus qui ont pris l'habitude de bénéficier de plusieurs couffins. Pour ce Ramadhan, chaque bureau de la DAS, de « Souboul El Kheïrat » ou même du Croissant-Rouge algérien disposera d‘informations sur les demandeurs de couffins. « Souboul El Kheïrat » apporte aussi un soutien moral, social et matériel aux personnes âgées, aux malades, aux handicapés et même aux étudiants avec des services divers et variés. Pour rompre l'isolement des personnes âgées, le conseil leur organise des sorties au hammam de Guelma, par exemple. Les élèves qui préparent leur bac profitent d'une petite balade. Cette année, celle-ci a été organisée dans la wilaya de Jijel, histoire de leur permettre de décompresser quelque peu.