dans les rues, l'armée, quadrillant carrefours et ponts, veille au grain pour éviter l'irréparable entre les protagonistes de la forteresse Tahrir, soucieux de défendre la « révolution du 30 juin », et de la mosquée Rabea El Adaouia investie par les islamistes revendiquant le retour à la « légitimité ». Le fossé entre l'Egypte de la légitimité populaire et l'Egypte de la légitimité électorale s'accentue dans une polarisation inquiétante de la violence : plus de 80 morts depuis le 26 juin. Le « vendredi du refus » sanglant atteste de la radicalisation de la situation conflictuelle. Un dangereux engrenage ? Les affrontements entre les deux camps irréductibles, les islamistes et l'armée, qui ont fait 30 morts et un millier de blessés, particulièrement dans les deux plus grandes villes, au Caire et en Alexandrie, ne sont pas de nature à rassurer sur le devenir de l'Egypte. Dans la péninsule du Sinaï (nord-est), cinq policiers et un soldat ont été tués dans des attaques menées par des islamistes qui ont également lancé des attaques, dans la nuit du vendredi, contre le gouvernorat du Nord-Sinaï et ont réussi à planter leur étendard. Bien loin de la profession de foi, attestant du caractère « pacifique », la mobilisation « par millions » du camp islamiste, conforté par la présence de leur guide suprême, Mohamed Badie, entend peser sur le cours des événements pour tenter d'inverser sur le terrain un rapport de force qui a finalement basculé en faveur de Tamaroud. De nouvelles manifestations, prévues pour ce dimanche (aujourd'hui) des incertitudes, dressent les remparts de l'Egypte qui se cherche une voie aux antipodes du « printemps arabe » finissant et en adéquation avec les attentes populaires incommensurables. L'échec de Morsi et des Frères musulmans, pour cause d'autoritarisme dans la conduite des affaires de l'Etat et la gestion économique, imprime le « nouveau visage » de l'Egypte déterminée à faire table rase avec le bilan de la mal-gouvernance. Sous l'impulsion du chef du conseil suprême des forces armées (CFSA), Abdelfattah al-Sissi, l'après-Morsi se conjugue avec la volonté de fermer la parenthèse islamiste tumultueuse et de redessiner la configuration de la nouvelle Egypte portée à bout de bras par l'influent El Baradei, des membres de Tamaroud, le patriarche des coptes orthodoxes, Tawadros II et l'imam de la mosquée d'El Azhar, cheïkh Ahmed El Tayeb, participant à l'investiture du nouveau chef d'Etat, en la personne du magistrat Adly Mansour, garant de la légalité constitutionnelle. Tout le pari de la remise en ordre politique et institutionnel, codifiée dans « la feuille de route », est celui de la recherche du compromis pour garantir le retour à la stabilité et préserver l'unité nationale ébranlée. Car par delà la nomination d'un gouvernement apolitique, regroupant « toutes les forces nationales » chargées de préparer les élections présidentielle et législatives, la relance du processus démocratique bute sur une inconnue : la donne islamiste.